L’éveil du Léviathan, de James S.A. Corey

Posted on 18 juillet 2014
Attendu de longue date, ce premier tome d’une trilogie, tome qui se verra adapté sur le petit ecran avec une série en 10 épisodes, arrive enfin sur les étals des libraires. Un vrai space-opera à l’ancienne, mouvementé, plein de bruit et de fureur, ça vous dit ?

 

Quatrième de couverture :

L’humanité a colonisé le système solaire (Mars, la Lune rebaptisée Luna, la Ceinture d’astéroïdes et au-delà), mais les étoiles restent toujours hors de sa portée.

Jim Holden est second sur un transport de glace qui effectue la navette entre les anneaux de Saturne et les stations installées dans la Ceinture. Quand son équipage et lui croisent la route du Scopuli, un appareil à l’abandon, ils se retrouvent en possession d’un secret qu’ils auraient souhaité ne jamais connaître. Un secret pour lequel certains sont prêts à tuer, et à une échelle impensable pour Jim et son équipage. La guerre dans tout le système solaire devient inévitable, à moins qu’il ne découvre qui a abandonné ce vaisseau, et pourquoi.

L’inspecteur Miller recherche une jeune femme. Elle n’est qu’une personne parmi des milliards, mais ses parents ont les moyens, et l’argent peut beaucoup. Quand l’enquête le mène au Scopuli et à Holden, devenu sympathisant des rebelles, Miller comprend que cette jeune femme est peut-être la réponse à tout.

Holden et Miller doivent désormais jouer la partie en finesse, entre le gouvernement de la Terre, les révolutionnaires des Planètes extérieures et certaines firmes aux visées obscures. Leurs chances sont minces mais au coeur de la Ceinture les règles sont différentes, et un petit vaisseau peut changer le destin de l’univers.

 

Fusion thriller-roman noir-space op’

L'éveil du Léviathan - Corey - couverturePremier constat : space-opera oui, mais space-opera à théâtre d’opérations réduit, puisque qu’on ne sort pas du système solaire, l’humanité n’ayant pas encore conquis les étoiles. Ceci dit, ça n’empêche par l’auteur, ou plutôt les auteurs puisque sous le pseudonyme de James S.A. Corey se cachent en fait les écrivains Ty Franck, l’assistant de George R.R. Martin et Daniel Abraham, plus connus pour ses sagas fantasy (« Les cités de lumière », « La voie du dragon », mais il a aussi officié en bit-lit comme en SF, avec comme partenaires pour ce dernier cas Gardner Dozois et… George R.R. Martin, encore lui !) de nous offrir un roman virevoltant, offrant son lot de batailles, de scènes d’action, de complots et de situations désespérées.

Mais pas que, car les auteurs ont réalisé avec « L’éveil du Léviathan » un joli melting-pot mêlant space-op donc, mais aussi thriller et roman noir, grâce notamment au personnage de l’inspecteur Miller, un homme né dans la Ceinture (la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter). Un inspecteur de police, un brin désabusé, qui se rend compte qu’il est passé à côté de l’essentiel de sa vie, ça donne un ton au roman, à défaut d’un personnage résolument original… Se rendant compte qu’il fait fausse route, il remettra en cause sa moralité dans un grand élan de rédemption.

L’autre personnage principal, Jim Holden, jeune second d’un transporteur de glace, devenu par la force des choses le meneur d’un petit groupe de survivants qui détient la clé d’un mystère aux proportions insoupçonnées au départ, est l’exact opposé de Miller. Fougueux, résolument idéaliste, voire même naïf dans son jusqu’au-boutisme, il est l’élément incontrôlable, le déclencheur de quelque chose qui le dépasse complètement, lui qui a pourtant la réelle volonté d’agir pour le bien.

C’est le jeu des points de vue de ces deux personnages qui fait une bonne partie du sel du roman, chacun menant sa barque de son côté avant de se rejoindre, ce qui donnera évidemment lieu à quelques prises de bec dues à leurs profondes divergences. Pour se faire, les auteurs ont opté pour une narration « polyphonique » mais limitée à ces deux voix. On alterne donc entre Holden et Miller, que ces deux personnages soient chacun de leur côté, ou bien ensemble dans une même situation, ce qui éclaire différemment l’action en cours.

Autour de ces deux fortes têtes navigue une petite galerie de personnages marquants non par leur originalité mais par leur présence forte en tant que « side-characters » : cela va du mécanicien un peu bourru Amos Burton à l’ingénieure Naomi Nagata en passant par le pilote Alex Kamal ou le héros de guerre déchu Fred Johnson. Des caractères bien tranchés, trop peut-être tant on a l’impression de voir un défilé d’archétypes, mais pourtant la sauce prend et tous ces personnages insufflent une vraie vie au roman, lui donne une réelle personnalité. L’efficacité avant l’originalité là encore.

L’autre point fort du roman, c’est son contexte. L’homme a colonisé une partie du système solaire, la colonie humaine la plus éloignée se situant près d’Uranus. Trois forces se partagent l’influence sur cet espace : la Terre, Mars et la Ceinture. Les deux premières, rivales, sont plutôt mal vues par les habitants de la troisième, eux qui préfigurent cette nouvelle humanité : issus de mondes ou la gravité est moindre, leur morphologie commence à se transformer. Il sont plus grands, plus fins, et ont même développé un nouveau langage, que les terriens pur souche ont bien du mal à décoder. Leurs préoccupations sont parfois bien différentes de ceux issus du du plancher des vaches. Sous la menace constante d’un problème technique mettant en péril leur habitat, ils accordent une extrême importance à la sécurité, quitte à avoir des réactions qui peuvent sembler démesurées dès lors qu’une petite menace apparaît. Cette humanité, qui a terme pourrait bien former une nouvelle branche, va voir dans les événements décrits dans le roman, sous l’égide de l’APE (l’Alliance des Planètes Extérieures), l’occasion de s’émanciper des colonies « historiques » et de la planète-mère de l’humanité. Mais ce début de conflit pourrait virer à l’extermination pure et simple de planètes entières… Je simplifie à l’extrême ici, mais cet univers imaginé par les auteurs est un vrai point fort.

« L’éveil du Léviathan » ne brille donc sans doute pas par son originalité (encore que je trouve le contexte vraiment intéressant, bien décrit, potentiellement réaliste et politiquement crédible) mais il offre en revanche un récit très rythmé, très efficace, qui tient un peu de la SF « à papa » (n’y cherchez pas de trans ou de post-humanisme) mais modernisée, notamment au niveau de l’écriture en lui donnant un souffle que ne renierait pas George R.R. Martin. Le fait d’y retrouver une narration polyphonique (certes limitée à deux personnages) et des cliffhangers réguliers en fin de chapitres n’y est pas vraiment étranger, la science de l’auteur du « Trône de fer » semblant avoir infusé ce roman. Un page-turner donc, en espérant que la suite de la saga maintienne le niveau. En tout cas, ça décoiffe !

Lire aussi les avis de Gromovar, Julien H., Philémont.

 

Critique écrite dans le cadre de challenge « Summer Star Wars, épisode II »  de Lhisbei.

Summer Star Wars, épisode II

  

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