Quand les ténèbres viendront, de Isaac Asimov
Quatrième de couverture :
Avec le texte « Quand les ténèbres viendront », souvent considéré comme la meilleure nouvelle de l’auteur, découvrez l’étrange planète Lagash dont les habitants ne connaissent pas la nuit. En effet, pas moins de six soleils éclairent cette planète, six soleils qui un jour s’éteignent les uns après les autres. Et quand Beta, le dernier d’entre eux, commence à faiblir, il faut bien se résoudre à l’évidence : les ténèbres arrivent.
De la SF sous toutes ses facettes
Ce recueil est la réédition en un seul volume du recueil original qui fut découpé en trois volumes lors de sa première parution en France, dans la défunte collection « Présence du futur » des éditions Denoël. Juste retour à la normale donc. Paru en langue anglaise en 1969, il dresse, à travers les vingt nouvelles présentées ici, un panorama chronologique mais évidemment non exhaustif sur le Isaac Asimov nouvelliste entre 1941 et 1967, chaque texte étant introduit par une préface (toujours intéressante) de l’auteur lui-même revenant sur leur genèse.
Vingt nouvelles donc je ne vais pas vous infliger un compte-rendu complet. Parmi les récits que je retiendrais, « Quand les ténèbres viendront » et cette planète constamment éclairée par un ou plusieurs de ses six soleils. Mais que se passerait-il si la nuit, chose totalement inconnue, venait réellement à tomber ? Premier récit de ce recueil, confrontation entre science et superstition, c’est l’un des textes les plus connus d’Asimov, en dehors de ses cycles de « Fondation » et de « Robots ».
« Taches vertes » se penche de manière amusante sur l’impossible compréhension entre les humains et une espèce radicalement différente. Nouvelle à chute, je ne serais pas surpris de savoir qu’elle a inspiré Sylvie Lainé pour sa nouvelle « Un amour de sable ».
« Y a-t-il un homme en incubation ? » pose, à travers un scientifique à tendance suicidaire, un point de vue différent sur la structure de l’univers, dans le genre « l’homme n’est qu’une poussière dans l’univers » ou « les dieux jouent aux billes avec les planètes ». Sympathique.
« En une juste cause… » change de ton. Asimov s’intéresse à un contestataire. Au sein d’une société militarisée, qui essaie de trouver sa place dans la galaxie, entre extraterrestres expansionnistes et colonies humaines qui ont fait sécession avec la Terre, il aura bien du mal à imposer sa voix, cherchant à fédérer l’humanité et restaurer sa grandeur, et tout ce qu’il tentera ressemblera toujours à un échec. A moins que… Une vraie réussite que ce texte, plus sombre, plus engagé (même si Asimov avoue lui-même dans la préface que cette nouvelle ne correspond pas à ses sentiments personnels), plus réfléchi.
« Sally » se penche sur une arlésienne de l’automobile : les voitures intelligentes qui se conduisent seules (l’occasion de voir que certaines « visions » de l’auteur sont toujours d’actualité), dans un récit noir à la chute inquiétante. « Personne ici, sauf… », nouvelle à chute également, s’intéresse avec humour aux débuts de l’intelligence artificielle. « Briseur de grève » de son côté, aux tabous sociétaux. Humour toujours avec la très courte mais très réussie « Introduisez la tête A dans le logement B » (qui ne vaut que si on lit la préface qui l’accompagne), ou bien cette énorme parodie (là encore expliquée dans la préface) dans « L’amour, vous connaissez ? ». Bref, il y en a pour tous les goûts !
En somme, ce que je retiens de ce recueil, c’est son extrême accessibilité, quand bien même il appartient très clairement au genre SF. En effet, tout est fluide, facile à appréhender. Asimov avait une solide formation scientifique, mais jamais il ne tombait dans l’utilisation d’un jargon incompréhensible, toujours il avait le bon goût de livrer des textes clairs et simples, mais pas simplistes. Sans doute est-ce aussi la raison pour laquelle ses nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique ont eu autant de succès. De même, on a une vision intéressante du travail de l’auteur sur plus de vingt cinq ans, de ses débuts jusqu’à la reconnaissance internationale. L’occasion de s’apercevoir que ses textes les plus longs étaient écrits au début de sa carrière, car une fois bien installé, Asimov s’intéressait sans doute plus aux romans ou à d’autres travaux scientifiques, les nouvelles relevant alors plus du travail de commande et se faisant beaucoup plus courtes (et reposant souvent sur le principe du texte à chute).
Pour autant, j’ai trouvé à tous ces textes, à quelques exceptions près, un léger manque d’ambition. Il y a des idées, des concepts intéressants. Mais il manque un degré de réflexion sur certains aspects trop peu approfondis (aspects sociaux, les développements scientifiques et les bouleversements sociétaux qu’ils peuvent impliquer, etc…). Parfois ces réflexions refont surface, comme dans « En une juste cause… » (sans doute l’un des meilleurs textes du recueil) ou « Ségrégationniste », parfois il sont sous-jacents mais sans constituer l’essence du récit (« Quelle belle journée ! », « La machine qui gagna la guerre »). Autre défaut : la place de la femme au sein de ces récits risque d’en faire frémir plus d’un(e)… Reflet d’une époque sans doute…
Toutefois, cela ne doit pas faire reculer le lecteur qui trouvera dans ce recueil de quoi assouvir sa quête d’une SF de qualité, inventive, drôle, variée, très accessible et finalement assez addictive.
Pas mal en effet, je le prendrai quand il sortira en poche.
Pour la sortie poche, il va falloir être patient : le grand format ne sort que mercredi !
Pas un souci pour moi, j’ai la patience des Grands Anciens 😉
J’avais bien aimé Fondation dans ma jeunesse mais en tentant de le relire pour le proposer à mon fiston, ça m’est tombé des mains. Je n’a pas lu grand chose finalement d’Asimov – les Robots, un ou deux textes plus généralistes. Ses thématiques ont un peu vieilli – comme ses personnages.
Je me demande en effet si « Fondation » se relit toujours aussi bien à notre époque. Peut-être certaines thématiques accusent-elles leur âge, mais j’avoue qu’en ce qui concerne le recueil dont il est question ici, il faut souligner la fluidité de l’écriture d’Asimov.
Pas un grand styliste, mais ça coule tout seul.
De mon côté, j’ai lu, relu et rerelu Fondation et ne l’ait jamais trouvé « vieilli ». Ceci dit, ma dernière lecture remonte quand même à 5-6 ans, il faut l’avouer.
Un grand auteur, en tout cas. C’est à travers ses écrits que j’ai découvert la SF !
Il va falloir que je tente « Fondation » un jour alors !
Beaucoup de monde a découvert la SF à travers Isaac Asimov, c’est un auteur majeur du genre, personne ne dira l’inverse je crois !
Mais enfin où étais-tu quand on a lu le premier tome de Fondation sur le Cercle ? 😛
(ce qui me rappelle que je suis censée continuer la lecture de ce cycle d’ailleurs…)
Eh bien… Je ne sais pas, mais pas avec vous en tout cas ! 😀
J’ai pourtant deux vieilles intégrales France Loisirs sur ma PAL (mais il me semble que la traduction a été complétée depuis, dans les éditions Lunes d’encre et FolioSF).
Comme toi il y a encore quelques jours, je suis entièrement néophyte en matière asimovienne (shame), mais je compte bien y remédier ! Je comptais me lancer dans le cycle des robots (à défaut d’être motivée par Fondation), mais quelques nouvelles seraient une bonne porte d’entrée…
Ton avis donne envie, même si ta dernière critique envers les personnages féminins me freine un peu (grrrr). Les préfaces ne gâchent-elles pas le plaisir de découverte des nouvelles, cela dit ? Ou il vaut mieux les lire après ?
Oui, les personnes féminins sont assez… années 50 : femmes au foyer, qui ne vivent qu’à travers leur mari, etc… Aujourd’hui, ça ferait plus que grincer des dents !
En revanche les préfaces sont très intéressantes : elles décrivent le contexte dans lequel les nouvelles correspondantes ont été écrites, à quelle occasion, pour qui, etc… sans rien dévoiler de l’intrigue. J’ai trouvé que ça amenait une réelle plus-value.