Ada, de Masaki Yamada
Quatrième de couverture :
Ada, c’est le prénom de la fille de Byron, qui aida Charles Babbage à mettre au point la machine à différences, ancêtre de l’ordinateur. C’est aussi le nom d’une mystérieuse disquette remise à Shimizu, un concepteur de jeux de simulation. C’est un super-accélérateur de particules, à moins qu’il ne s’agisse que d’un simulateur d’accélérateur imaginé par un écrivain de science-fiction de seconde zone. Et c’est également un ordinateur quantique qui crée des mondes parallèles…
Dans le monde quantique, un accélérateur de particules d’un genre nouveau peut faire coexister dans ses anneaux des réalités multiples. Dans le monde quantique, Yukari, la fille de la secrétaire de Shimizu, a été et n’a pas été renversée par un camion. Dans le monde quantique, toute distinction entre virtuel et réel est abolie, et Frankenstein peut partir à la rencontre de Mary Shelley. Dans le monde quantique, un concepteur de jeux de simulation et un écrivain peuvent rejouer aux frontières de l’univers l’ultime combat commencé dans la plaine d’Armageddon.
Convergence de la fonction d’onde, superposition d’états, les principes de la physique quantique déterminent la forme même de cet impressionnant roman, accrétion incertaine de fictions plurielles, mise en scène floue de concordances multiples. De l’ère sassanide au Japon contemporain, de l’Angleterre victorienne à un futur qui n’est pas moins incertain que le présent, Masaki Yamada compose une fable vertigineuse dans laquelle des réalités indistinctes naissent et disparaissent à l’infini, et répètent, telle une vague ininterrompue, leur va-et-vient incessant sur les rivages de l’existence.
Byron pleurait « ceux qui pleurent au bord des fleuves de Babylone, dont les autels sont déserts et la patrie un songe ». Rejouant le geste du poète, Yamada chante l’étrange complainte de ces Juifs 2.0, pauvres mortels égarés dans les mondes parallèles de l’univers quantique, doublement vagabonds puisqu’ils vont jusqu’à se perdre dans les souvenirs de leur errance.
Un cantique pour la physique quantique
Avec une telle quatrième de couverture, autant dire que je ne savais pas vraiment dans quoi je mettais les pieds en ouvrant « Ada », notamment car j’avoue mon inculture complète concernant la littérature japonaise de science-fiction.
Et le début a vraiment bien fonctionné. Croisement de plusieurs intrigues éloignées dans le temps (ère sassanide de l’empire Perse, Angleterre victorienne, Japon du 19ème siècle puis Japon actuel, entre autres), faisant intervenir personnages historiques mais aussi fictifs (Charles Babbage, Mary Shelley, Charles Dickens et leurs créations littéraires, etc…) dans une réalité (des réalités ?) qui semble perdre de sa substance, j’ai vraiment accroché à toute la première moitié qui brouille les pistes. Certes, tout cela reste assez obscur, et il est difficile de savoir où l’auteur veut emmener son lecteur, pour autant tout cela se laisse avec un certain intérêt et même un intérêt certain. Quelques passages sont même assez marquants (Arthur Conan Doyle perdu dans la montagne, confronté à un être surprenant par exemple).
Et puis viennent le début des explications. Et là c’est un peu le drame. Il faut dire que jusqu’ici, Masaki Yamada avait réussi à maintenir l’intérêt de son roman car il n’avait pas perdu de vue sa nature même : un roman. Mais lorsqu’il s’est agi de fournir au lecteur quelques explications sur ce qui se passe réellement, l’auteur semble avoir oublié qu’il est censé livrer un récit narratif pour débiter ces soit-disant explications. Mais je lisais un roman moi, pas un essai sur la physique quantique ! Et donc, j’ai décroché. Et quand bien même l’auteur a tenté de reprendre le fil de sa narration (toujours alterné avec des paragraphes « détachés » pour tenter d’éclairer le lecteur, à base de clarifications plusieurs fois rabâchées), le mal était fait.
Parce qu’à un moment il faut quand même savoir à quoi s’attendre. Le roman vire carrément hard-SF par période ! Non pas que la hard-SF ma fasse peur, si le récit est prenant il n’y a pas de problèmes. Mais ma capacité d’acceptation a des limites, et quand l’auteur me sort ça, j’ai du mal :
Vous allez me dire que c’est sorti du contexte, et donc vu comme ça, ça paraît faussé. Et vous avez raison. Mais le paragraphe suivant en rajoute une couche :
Et donc, à un moment, je dis stop. Trop aride, trop synthétique, trop dénué de toute saveur narrative, et le « sense of wonder » tombe aux oubliettes… Oh je suis allé au bout de ma lecture, pour avoir le fin mot de l’histoire, fin mot qui ne m’a fait ni chaud ni froid, preuve ultime de mon désintérêt. Dommage, la première moitié du récit était vraiment alléchante, mais Masaki Yamada m’a oublié au bord de la route. Ou alors il est parti dans une autre réalité quantique que je ne connais pas, allez savoir !…
Il est indéniable qu’avec un roman de ce type, les éditions Actes Sud se démarquent de la concurrence, ce n’est clairement pas un roman ressemblant au tout-venant de la SF. Une prise de risque assurément. Avec aussi le danger d’une sortie de route.
C’est bien, ça confirme que je ne vais pas perdre mon temps avec ce bouquin. :p
Ma connaissance de la physique quantique est très limitée et assez ancienne, mais les deux extraits que tu cites me donnent une légère impression de n’importe quoi, un peu Bernard Werber-style.
Je ne sais si c’est Bernard Werber-style, mais moi ça m’a déconnecté direct.
Des trucs hard-SF, j’en ai lu (Greg Bear, Greg Egan…), je n’ai pas toujours aimé, mais jamais je n’ai trouvé quelque chose d’aussi aride.
Vraiment dommage, parce que je trouve toute la première partie intéressante, tant que l’auteur ne dévoile pas son jeu en fait.
Un énorme merci. J’ai reçu ce livre aussi et je pense qu’il restera un moment dans ma PAL. J’ai beau être physicienne, ce genre de roman ne m’attire pas du tout !!
Ah mais si même les physiciennes ne le lisent pas, où va-t-on, je vous le demande ?^^
Pourtant le point de vue de quelqu’un du milieu pourrait être intéressant. Allez, un petit effort ! 😉
Bouhahahaha au secours !!
Tu t’y mets quand ? 😀
Là comme ça je dirais… jamais !!
Félicitations pour l’avoir fini. ^^
J’ai rarement été autant convaincu de ne pas lire un livre, bravo pour ça aussi. xD
Je t’ai épargné quelques heures de lecture fastidieuse, tu peux me remercier !
Un extrait particulièrement motivant 🙂 Je me demande ce que peut être le « contexte »…
Le contexte est difficile a expliquer puisqu’on est dans un monde quantique, donc un monde qui se divise potentiellement en une infinité de mondes parallèles à chaque instant.
Donc réalité et fiction se mélangent, « ce qui aurait pu être » prend la place de « ce qui a été », et « ce qui sera » peut potentiellement être tout et n’importe quoi.
Il n’y a pas une réalité, il y en a une infinité. On voit ça à travers différentes époques, qui se recoupent plus ou moins puisque quelque chose détraque un peu tout ça.
Je ne suis pas très clair, mais je ne suis pas non plus physicien quantique ! 😀
De plus, les extraits que tu cites sonnent plus foireux à la phlogiston que physique quantique.
Grâce à toi, je viens de faire connaissance avec la phlogistique, merci pour ça ! 🙂
Alors je ne sais pas si les concepts utilisés par Yamada tiennent du phlogiston, mais une chose est sûre : je n’ai pas accroché, théories valables ou pas…
Waouh, 20 ans ! J’étais loin de me douter, en l’ayant pris entre mes mains, tiens. Je l’ai reçu par Actes Sud, j’ai bien l’impression qu’il va falloir que je m’accroche un peu ; tu me fais peur (non seulement je n’y connais rien en physique quantique moi non plus et je n’ai pas fait beaucoup d’incursions en hard SF)
On ne sait jamais, si ça se trouve ça va te plaire !… En tout cas je l’espère pour toi si tu te décides à le lire.
Bon eh bien voilà, ces paragraphes-là, je les ai lus dans ton billet, je pourrai les sauter le moment venu : je ne vais quand même pas me gâcher la lecture ! D’autant plus que je garde un bon souvenir de « La machine à différences » de Gibson et Sterling et que ce « Ada » ressemble à du steampunk japonais, ce que je ne connais pas du tout, donc c’est tentant.
Hâte de lire ton avis Sandrine alors !
Il y a des passages situées dans l’Angleterre victorienne, mais ce n’est pas pour autant que je qualifierais ce roman de steampunk (pas de « steam », ni de « punk », ni d’uchronie rétrofuturiste, etc…)
L’histoire globale relève purement de la SF pure et dure.
Mais si ça te tente toujours, moi aussi j’ai hâte de savoir ce que tu en penses !
Félicitations pour en être venu à bout 😀
Merci, le club est très restreint, pas facile d’y entrer !
La quatrième de couverture m’a vraiment donné envie de le lire, que dis-je, de dévorer sur le champ ! Et patatras, ton article viens tout gâcher…c’est malin ! 😉
Si tu le sens vraiment bien, tu peux tenter le coup, on ne sait jamais ! Certains ont aimé (je pense à Philémont, dont la critique est listée au dessus), pas moi ni Lhisbei mais je n’ose croire que nous sommes représentatifs de tout le lectorat français… 😉
Hello, j’ai lu tes extraits ainsi que ceux cités sur le RSF Blog, et leur teneur scientifique est plus que fragile. Cela ressemble plutôt à un exercice littéraire jonglant avec quelques notions et termes de physique, afin de créer une atmosphère de science-fiction. Mais cela
ne fait pas illusion lorsqu’on lit attentivement ces paragraphes. Bref je ne pense pas que ce soit de la hard-SF mais plutôt une esthétique de « littérature scientifique » dans le roman. Un subterfuge de plus en plus utilisé actuellement.
C’est un peu ce que je me suis dit, sans pouvoir le vérifier bien sûr. L’aspect est donc hard-SF, le contenu est tout autre…
En tout cas, c’est un procédé peut-être de plus en plus utilisé, mais ce roman datant de 1994, il faisait alors partie des précurseurs en la matière !
En fait si j’ai bien tout compris, l’auteur va piocher dans la théorie de l’univers plasma. Le problème c’est de savoir si c’est un écran de fumée ou si ça tient un tant soit peu la route. Perso je n’en sais rien puisque je n’y connais rien.
Le roman date de 1994, oui. Et il dégage une impression de « déjà daté ». Je ne suis pas sûre qu’il vieillira bien.
Bref, je me demande bien quel genre de lecteurs il va séduire…
Oui, comme je le disais à Guillaume, je veux bien accorder du crédit à l’auteur sur l’aspect scientifique mais je suis incapable de dire si c’est plausible ou pas.
Le roman est en effet déjà daté (disquette, tout ça…^^), mais il est aussi marqué par son origine géographique : je soupçonne les gonfleurs de futons et les belettes blanches de beaucoup mieux passer dans leur pays d’origine (les lecteurs du roman comprendront)… 😆
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