Imaro, de Charles Saunders
J’aime les récits africains. Jusqu’ici, j’avoue n’avoir lu que quelques textes issus de l’imagination de l’écrivain Mike Resnick (un recueil et un roman chef d’oeuvre), alors quand les éditions Mnémos ont édité sous forme d’intégrale classieuse les récits d’Imaro écrits par Charles Saunders, un romancier afro-américain, en insistant sur la forte inspiration africaine de ces récits de fantasy, j’ai sauté sur l’occasion (merci papa Noël !).
Quatrième de couverture :
Le diamant noir de la fantasy.
L’intégrale Imaro : quatre romans pour la première fois traduits en France.
Dans cet univers, l’Afrique s’appelle Nyumbani et des horreurs sans nom se tapissent sous le couvert de ses jungles et dans l’océan herbeux de ses savanes. C’est une terre sauvage et dure pour les tribus humaines qui y vivent, en proie aux attaques d’êtres malfaisants et surnaturels, une terre sur laquelle il faut être un guerrier accompli pour survivre. Et le plus grand d’entre eux se nomme Imaro… Imaro de la tribu des Ilyassai, Imaro le banni, Imaro le légendaire héros d’un continent mythique !
Né en 1946 aux États-Unis, Charles Saunders a acquis la nationalité canadienne en 1975. La quasi totalité de son oeuvre concerne le cycle d’Imaro. Il est le seul auteur noir à avoir abordé la Fantasy par l’angle des cultures et des mythes africains. Mais la richesse de la série vient aussi de ses personnages et de son histoire haletante. Imaro est un individu redoutablement complexe, un héros avec sa force et sa fragilité intérieure qui prend l’aventure à bras-le-corps.
Saunders nous offre une saga épique où le « vécu » d’un Rider Haggard s’allie à la fougue d’un Robert Howard pour donner l’une des œuvres les plus attachantes de l’heroic-fantasy et propulser son auteur parmi les meilleurs écrivains actuels du genre.
« Imaro » est une série d’une richesse et d’une originalité rares qui mérite d’être enfin découverte en France.
Imaro, un Conan noir ?
Avant d’entrer dans le vif du sujet, un mot sur l’objet-livre. Grand format, relié, couverture rigide, signet, tranchefiles, dos légèrement arrondi, papier de qualité, on a là un fort beau volume d’un peu plus de 600 pages réunissant pas moins de quatre romans (je ne m’intéresserai dans le présent article qu’au premier). Seul bémol, les romans n’étant pas spécialement courts, les réunir en 600 pages a nécessité l’utilisation d’une typographie assez voire très réduite… Mettez vos lunettes ! C’est néanmoins un livre qui vaut sans doute ses 35 €.
La quatrième de couverture fait donc référence à Henry Rider Haggard et Robert E. Howard. Et même si je n’ai pas lu le premier cité (créateur du personnage d’Allan Quatermain), ces noms nous permettent de situer à peu près ce dans quoi on va se plonger. On peut donc s’attendre à de l’exotisme, et certainement à de la sword&sorcery un brin lovecraftienne. Parfois les quatrièmes de couverture sont à côté de la plaque, mais ici il faut dire qu’elle a tapé dans le mille ! La postface de Patrice Louinet trace d’ailleurs plusieurs parallèles avec les oeuvres de ces auteurs.
Imaro est donc un guerrier noir, de la tribu des Ilyassai, une des nombreuses tribus qui peuplent le continent de Nyumbani. Le premier roman nous permet de suivre sa destinée, depuis l’âge de cinq ans jusqu’à… la suite nous le dira ! On a donc là une première différence fondamentale avec le personnage de Conan, auquel Imaro fait incontestablement penser : le cycle d’« Imaro » suit un ordre chronologique, qui rend le personnage plus tangible que le cimmérien de Howard. Il est moins nihiliste que son alter-ego barbare, et les drames qui parsèment sa vie n’en ont que plus de résonance.
Pour le reste, et même s’il est sans doute un peu injuste de faire un tel raccourci, Imaro reprend certaines caractéristiques de Conan : c’est un guerrier imbattable, parfois vraiment trop d’ailleurs : le sentiment qu’il ne peut rien lui arriver lors des combats nuit parfois au suspense. Mais c’est sans doute un effet voulu, démontrant qu’il a beau être un guerrier surpuissant, la force est parfois peu de chose face à la perfidie de ses ennemis. Car des drames, il va en en vivre, et c’est là que son caractère non-nihiliste le rend encore plus attachant que Conan. Il prend les choses à coeur, la trahison et la méchanceté lui font mal là où Conan aurait à peine bronché (encore que ceux qui trahissent le célèbre barbare aient souvent à le regretter…).
Prenant donc place dans une Afrique imaginaire, parfois de manière très transparente (les Ilyassai sont évidemment des Massai, jusque dans leurs traditions, mais Saunders ne s’est pas toujours embarrassé de noms imaginaires, ainsi pour les Turkhanas il suffit d’enlever le « h »…), le premier roman nous offre donc la jeunesse du héros, traité en quasi-paria à cause de ses origines pas totalement Ilyassai (sa mère ayant quitté la tribu avant de revenir avec Imaro bébé), en passant par son passage à l’âge adulte à travers une épreuve redoutable, puis son acceptation et son ascension au sein d’un groupe de hors-la-loi, les Haramias.
Sans être un roman particulièrement exceptionnel (c’est même plutôt un fix-up de nouvelles), « Imaro » est une approche intéressante de la sword&sorcery grâce à un background pour le moins inhabituel, prenant ses sources dans le folklore et/ou l’histoire africain(e)s et un personnage charismatique, conçu au départ, aux dires de l’auteur lui-même « pour être le Noir qui botte le cul de Tarzan ». Genre oblige, le roman offre son lot de confrontations avec des créatures particulièrement monstrueuses, sorties de dimensions inconnues, tout en mettant l’accent sur un fil rouge qui conduira sans doute le lecteur tout au long des quatre ouvrages du cycle. L’écriture de Saunders est agréable, sans être particulièrement notable, et n’atteint pas les fulgurances qui traversaient les récits d’Howard.
Un premier volume sympathique donc, une bonne mise en jambes pour la suite.
Un peu schizo cette chronique puisqu’on passe d’un « auteur parmi les meilleurs écrivains actuels du genre » à « L’écriture de Saunders est agréable, sans être particulièrement notable ». Ou alors il faut en déduire que même les meilleurs auteurs fantasy du moment n’ont pas une écriture notable ? 🙂 – hi hi hi.
Tu cites la quatrième de couverture, ce n’est pas moi qui dis que Saunders est « parmi les meilleurs écrivains actuels du genre »… 😉
Quant à dire que même les meilleurs écrivains de fantasy n’ont pas une écriture notable, c’est un raccourci que je ne cautionne pas : Jaworski, Holdstock, Wolfe et quelques autres sont là pour l’infirmer.^^
Après, on peut être un très bon écrivain en travaillant son univers, ses personnages sans forcément avoir une écriture de grand maître. Difficile de dire que George R.R. Martin par exemple soit un esthète de la langue, mais il faut bien admettre qu’il maîtrise sacrément bien son récit.
Ah oups, désolé. J’avais oublié que j’étais dans la « 4° de couverture » – quelle idée aussi 🙂 Bon, ben mon commentaire tombe à l’eau alors.
J’aime bien l’idée d’une influence africaine, ça change, mais je ne suis pas forcément convaincu. J’attendrai ton avis sur la suite. ^^
En tout cas, cela me rappelle qu’il faut que j’aille découvrir Mike Resnick.
Sinon, tu l’as peut-être déjà lu mais « Le Trône d’ébène » de Thomas Day rentre totalement dans la catégorie des « récits africains » et devrait te plaire.
Et je ne manquerai pas de donner mon avis sur la suite ! 😉
Oui, il faut que tu lises Mike Resnik, au moins ce somptueux « Kirinyaga ». J’ai dans l’idée de lire également la trilogie de « L’infernale comédie » qui retrace dans un contexte SF l’histoire du Kenya, du Zimbabwe et de l’Ouganda, mais ce sera en occasion (collection « présence du futur »…).
Pour « Le trône d’ébène », j’y ai pensé en effet, il me fait de l’oeil depuis un moment (j’aurais même pu le faire dédicacer chez Critic quand Thomas Day y est passé, mais je ne n’y ai pas pensé…).
Je suis tentée car je ne connais pas du tout et qu’à l’évidence, on lit peu de fantasy ayant l’Afrique pour cadre (je plussoie pour « Le Trône d’ébène »), encore moins par des auteurs qui y ont des racines.
De quand date la traduction française ? Et de quand l’édition américaine ? Tu fais beaucoup de parallèles avec Conan, ça m’inquiète parce que Howard m’insupporte au bout de 10 pages (dans les bons jours) : les guerriers invincibles, très peu pour moi. Est-ce que c’est mieux écrit au moins ?
Je ne saurais dire avec précision qui a traduit quoi, mais il est précisé que la traduction est signée Mike Nofrost et Patrice Louinet, et révisée par Patrice Louinet, ce qui semble étrange puisque d’après noosfere.com, la première traduction était signée Michel Pagel…
Mais qui dit Patrice Louine dit traduction (ou au moins révision) récente, notamment le quatrième roman qui arrive ici en France pour la première fois.
En VO, les trois premiers romans datent de 1981, 1984 et 1985, et respectivement révisés en 2006, 2008 et 2009 (le pourquoi du comment est expliqué dans la postface de Patrice Louinet). Le quatrième roman est lui tout récent : 2009.
Pour le parallèle avec Conan, il est assez inévitable, tant les guerriers peuvent faire penser l’un à l’autre. Oui l’aspect « invulnérable » en combat est assez présent. Mais justement les malheurs d’Imaro n’arrivent pas vraiment en combat…
Quant à l’écriture, comme je le dis, ce n’est pas ce que je retiendrai même si c’est tout à fait correct. Et je trouve qu’Howard écrit plutôt bien lui aussi, au delà de certains tics redondants. Il a notamment le don de faire naître un certain souffle épique, notamment dans les batailles d’envergure (d’où mon envie de lire ses récits « historiques »). 😉
C’est un livre qui me fait de l’œil depuis sa sortie mais dont j’ai un peu de mal à me laisser tenter justement par ce côté Howardien mis en avant par ce guerrier invincible. Le fait que tu annonces le tout simplement sympathique me bloque aussi un peu dans l’envie de mettre 35€ dans le livre.
Je ne parle ici que du premier roman. On verra pour la suite… 😉
Je trouve vraiment géniale cette idée d’inscrire la Fantasy dans un contexte africain ! Ca change vraiment de… Conan, justement 😉 Merci pour cette belle découverte 😉
Mais de rien, c’est gratuit !^^
merci pour la chronique, d’autant que le livre me tente bien
À ton service ! 😉
tu creuses ma curiosité là… Je ne suis pas particulièrement attirée par la touche africaine dans les récits en particulier (j’ai pas de préférence vis à vis d’une influence spécifique quand je lis un truc quoi) mais je dois avouer que c’est intriguant !
Je garde la référence en tête, pour quant je serais vraiment tentée !
C’est un cycle original pour son contexte, ça c’est sûr ! À tenter si tu apprécies la sword&sorcery ! 😉