La Flamme Chantante, de Clark Ashton Smith
Pas forcément attendu au catalogue d’Actes Sud, Clark Ashton Smith (1893-1961) « revient » en France après une longue absence éditoriale. Poussé par les éditions NéO dans les années 80, le contemporain et ami de H.P. Lovecraft avait depuis quasiment disparu des étals… Difficile de dire avec certitude si les choses seront amenées à changer dan l’avenir (mais mon petit doigt me dit que c’est fort possible…^^), alors ne boudons pas notre plaisir. Encore faut-il que le menu du jour soit à la hauteur…
Quatrième de couverture :
Ensorcelé, je m’avançai vers ce chant et me mêlai à eux. Captivé par la musique et par le spectacle de cette fontaine de feu, j’accordai aussi peu d’attention à mes excentriques compagnons qu’eux-mêmes ne m’en prêtaient. Et la fontaine s’élevait et s’élevait encore, jusqu’à ce que sa lumière éclairât les membres — et les étranges visages — de statues colossales siégeant sur leurs trônes derrière elle : des héros, des dieux ou des démons des premiers cycles de l’ère aliène, dont le regard de pierre scrutait les visiteurs depuis ce crépuscule d’impénétrable mystère.
C.A.S.
Poète et traducteur, Clark Ashton Smith (1893-1961) est, avec H. P. Lovecraft, un des fondateurs de la SF/fantasy moderne, dont une partie de l’œuvre a été publiée, en France, principalement aux éditions Christian Bourgois et aux éditions NéO.
Lovecraft bis ?
C’est en effet un peu la question que l’on peut se poser à la lecture de « La Flamme Chantante ». Utilisant les mêmes concepts que le Maître de Providence (des lieux mystérieux, très éloignés ou situés dans d’autres dimensions, construits et/ou peuplés par des êtres inconnus, le tout à une échelle cosmique restant inaccessible à la compréhension humaine), reprenant un champ lexical similaire (à base d’indicible, d’ineffable, d’insondable, etc…), on aurait malgré tout bien tord d’en faire un erzatz de Lovecraft.
Car il y a incontestablement un style Smith. Avec son écriture riche, détaillée, voire précieuse, remplie d’adjectifs rares et raffinés, on est vite happé par le récit de l’auteur, qui sait faire naître des visions dans la tête du lecteur. Smith est d’ailleurs également (et avant tout ?) un poète, et une bonne partie de « La Flamme Chantante » ne perdrait rien, bien au contraire, à être déclamée à haute voix. La quatrième de couverture donne une belle indication de ce que le lecteur va découvrir. Rendons donc grâce à la nouvelle traduction de Joachim Zemmour de ces deux nouvelles, qui n’a pas due être une sinécure. Un autre exemple :
Et la musique, oh ! la musique… J’ai totalement oublié de décrire cette musique ! C’était comme si l’on avait transmuté quelque fabuleux élixir en pures ondes sonores : un élixir qui accorderait le don d’une vie supra-humaine, accompagnée des songes splendides et élevés que seuls connaissent les immortels… Et cela montait, s’insinuait dans mon cerveau comme une ivresse suprême et supernelle, tandis que j’avançai vers la source inconnue du chant…
Mais revenons au livre en lui-même. Il est composé de deux nouvelles, la première s’intéressant au journal intime de Giles Angarth, qui découvre un « passage » vers « autre chose », et la seconde, toujours sous forme de journal intime, narrant le récit son ami Philip Hastane. Le total des deux faisant à peine plus de cent pages, il n’est pas nécessaire d’en dire plus. La seconde partie était d’ailleurs jusqu’à aujourd’hui, il me semble, inédite en français.
Nul doute que ceux qui apprécient Lovecraft apprécieront « La Flamme Chantante ». Il suffit de se laisser porter par la plume de Clark Ashton Smith, et de se laisser guider par les récits des narrateurs vers cette mystérieuse Flamme à travers un monde bien étrange. Et de se demander pourquoi, si les autres écrits de Smith sont du même acabit, ne bénéficie-t-il pas chez nous de la même reconnaissance que les deux autres grands auteurs de genre de la même époque, qu’il a bien connus, Lovecraft et Howard…
Lire aussi les avis de Sandrine, Lhisbei, Carole, Gromovar.
Chronique écrite dans le cadre du challenge « JLNN » de Lune.
Hmmm, je ne sais pas. Autant le principe m’intrigue, autant le prix de ce livre m’a découragée d’emblée (je sors d’une mauvaise expérience rapport qualité/prix chez Actes Sud)(chat échaudé craint l’eau froide, toussa).
C’est vrai que le prix est un peu élevé (14€ pour une centaine de pages), à cause sans doute de la qualité de l’objet (papier de très bonne qualité, couverture cartonnée, etc…)…
Après, c’est une très belle plume qui s’offre à toi ! 😉
HOOOOOO. C’est merveilleux de croiser CAS ailleurs que dans ma tête!!! 🙂 🙂
Je le vénère depuis de nombreuses années. Il est à mes yeux un des plus grands maîtres de la langue anglaise. Sa plume est juste superbe et j’apprécie la très grande diversité qu’on rencontre dans ses nouvelles: certaines dans le continent de Zothique plein de déserts et de cités perdues, certaines sur d’autres planètes, certaines dans le monde médiéval d’Averoigne, certaines dans les États-Unis des années trente. C’est avec lui que j’ai rencontré le weird à cause d’un bouquin ramassé dans la rue et c’est lui qui m’a ensuite amenée à HPL et Howard, deux autres écrivains fétiches.
Si tu lis en VO, les éditions Night Shade Books ont sorti au cours des dernières années cinq tomes des Collected Fantaisies of Clark Ashton Smith: les livres sont très beaux et les éditeurs ont fait un gros travail de recherche pour trouver la version des nouvelles la plus proche de ce que CAS voulait (il avait beaucoup accepté de les modifier pourvu de les publier et de gagner un peu d’argent). Ce serait d’ailleurs un beau point de départ pour un éditeur français intéressé par la résurrection de cet écrivain. 🙂
À propos de la ressemblance avec Lovecraft : quand on l’explore un peu, on trouve des réferences directes à Lovecraft ou à ses créatures dans les nouvelles de CAS (comme dans certaines de Howard d’ailleurs!) (et d’ailleurs Clark est cité dans L’Appel de Cthulhu!!). 🙂
Ravi de voir une tel enthousiasme pour l’auteur !
Je ne lis pas en VO (et pour SMith, vu le vocabulaire, ça ne doit pas vraiment être facile), mais j’ai ouï dire que quelque chose doit arriver en français. Wait&see donc… 😉 En espérant une traduction d’aussi bonne qualité qu’ici, et des récits « définitifs », tels qu’écrits par Smith, et non pas retouchés par les éditeurs de l’époque…
En tout cas, tu donnes envie d’aller plus loin avec l’auteur !
J’ai lu une nouvelle de lui cet été, c’est vrai que c’est très « chantant », par contre je ne sais pas si je supporterais ça au delà d’une simple nouvelle (même si c’était fun à lire ^^)
Si comme le dit Alys au-dessus, il y a de la diversité, pourquoi pas ?
L’enthousiasme d’Alys fait carrément plaisir. Howard m’est insupportable et Lovecraft ne me plait qu’à petites doses (sinon, je ris tellement trop, c’est trop…), alors Smith est plus dans mes cordes, même s’il n’est que l’ami de… Les oeuvres complètes de Smith trouveraient-elles preneurs chez nous ? Celles d’Howard se sont-elles vendues à d’autres qu’à des soixantenaires nostalgiques ? (bon je suis méchante, ok, mais le public n’est pas vaste et l’éditeur doit vendre ses livres… alors ce n’est pas gagné).
Les oeuvres complètes de Smith je ne sais pas, mais si on peut en avoir un peu plus qu’actuellement, ce serait déjà ça !
Pour les oeuvres complètes d’Howard, je ne sais pas dire si elles se sont bien vendues dans leur totalité, mais il me semble quand même que les intégrales de Conan ont fait un joli succès, de même que certaines de ses autres oeuvres bien connues (comme Solomon Kane, qui vient juste d’être réimprimé par Bragelonne). Et je fais partie des acheteurs (pour Conan), et je n’ai pas soixante ans ! 😆
J’ai l’impression d’avoir lu des trucs de lui il y a très très longtemps quand j’étais ado (dans le volume des œuvres d’HPL chez bouquins où il y a des écrits et pastiches de ses amis).
J’avoue que le simple fait qu’il soit réédité par Actes sud – où on ne l’attend pas – attise beaucoup ma curiosité.
C’est une belle surprise en effet.
C’est ma première lecture de l’auteur, j’aimerais avoir l’occasion d’en lire d’autres !
L’intrigue est compréhensible ou c’est un récit un peu mystique qui mêle poésie et métaphysique ? (J’ai des réminiscences d’anciennes nouvelles de Lovecraft dans ce genre là)
Non, l’intrigue reste tout à fait compréhensible, même si le mystique « à la Lovecraft » est un peu présent (voyage extra-dimensionnel, etc…).
Mais il y a un début, une fin, et une plume superbe, il faut insister sur ce point. 😉
je note pour l’auteur en tout cas, s’il se place au côté de Mr Lovecraft, c’est qu’il doit y avoir du niveau ! Pour 2014 peut être? 🙂
Je pense qu’il mérite d’être aussi bien traité qu’un Lovecraft ou un Howard. A découvrir ! 😉
C’est vrai que l’extrait fait quand même assez penser au maître de Providence ! 😀 Il faudra que je replonge dedans un jour.
Oui, et moi j’aimerais bien lire autre chose de l’auteur !
A la lecture des commentaires ci-dessous, je pense qu’il est important de préciser que Smith n’est en aucun cas un avatar de Lovecraft ou de Howard mais qu’il fait partie des 3 mousquetaires de Weird Tales et que son univers d’une richesse sans précédent a été largement traduit et diffusé en France chez Néo dans les années 80 …
Il avait auparavant bénéficié de quelques traductions chez Bourgeois ou au Masque Fantastique (voir sa bio sur noosfere).
Je n’ai pas voulu je le concède payer 15€ pour la retraduction d’une nouvelle même si le papier est beau et l’édition élégante … Rien ne vaut, quand on veut apprécier l’auteur dans sa quintessence, le lire en VO même si je le reconnais Smith est réputé pour avoir appris, à peu un à la manière d’un Jean Ray, en autodidacte le dictionnaire et en distiller les mots inconnus et rares à chaque détour de phrases …
En tous cas, un grand bravo à Actes Sud qui relance cet auteur à la richesse d’imagination si féconde (et morbide également), juste après avant avoir lancé sa nouvelle collection Western …
Merci pour ces précisions complètes !
En effet, vu la qualité d’écriture, il va sans dire que la VO reste la meilleure façon d’apprécier l’auteur… encore faut-il en avoir la possibilité pour un niveau de langue tout de même assez relevé !
Actes Sud semble avoir dans l’idée de (en plus de lancer quelques nouveaux auteurs de SF, tel Hugh Howey dernièrement) faire renaître des oeuvres importantes et oubliées aujourd’hui (Smith donc, et prochainement Lafferty et son « Tous à Estrevin ! »). 😉
Bonjour
Non ces nouvelles ne sont pas inédites ; j’ai quelque part un livre tiré en peu d’exemplaires et datant d’une 30aine d’années qui les contenaient déjà.
Il y a bien eu deux recueils francophones qui ont repris ces récits (« Les meilleurs récits de Wonder Stories » paru chez J’ai Lu en 1976 et « L’île inconnue » chez Néo en 1985) mais dans une version « combinée ».
La présente édition d’Actes Sud est la seule à présenter ces textes dans une version respectant le découpage originel puisqu’ils ont au départ été publiés en deux parties bien distinctes.
Voir ici : http://www.quarante-deux.org/exliibris/oeuvres/s/Clark_Ashton_Smith/la_Cite_de_la_flamme_chantante/
La différence est sans doute minime cela dit (et je ne possède pas ces anciens recueils pour comparer). Une chose reste totalement inédite : la nouvelle traduction.
Merci pour cette réponse
Il s’agit de l’édition de Néo ; à la réflexion je me demande si elle ne contenait pas qu’une partie (le récit du personnage qui rejoint son ami, et ne le trouvant pas fini par traverser la flamme).
J’ai lu cette histoire il y a une 20aine d’années, mais je m’en souviens encore, elle m’avait beaucoup marqué par son réalisme et son coté onirique. Je viens de commander cette nouvelle édition, et je pense que j’aurai beaucoup de plaisir à la relire.