Gravity, de Alfonso Cuarón
C’est peu de dire que « Gravity » était attendu. Le réalisateur, Alfonso Cuarón, déjà aux commandes du remarquable « Les fils de l’homme » et de ce qui ressemble bien au meilleur film de la saga Harry Potter (« Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban »), jouit d’une excellente réputation, et les premiers retours sur ce nouveau film, qu’ils se basent sur un aspect technique ou bien tout simplement provenant de personnes éclairées sont pour le moins enthousiastes. Et pour parachever le tout, le film obtient la note de 97% sur Rotten Tomatoes. Bref, « expectations are high » comme ils disent.
Et c’est peu de dire également que « Gravity » se montre à la hauteur de toutes les espérances ! Dès l’ouverture, le choc est là : la Terre, immense, superbe, et pourtant noyée dans cet espace ténébreux, et le silence, total. Puis peu à peu, des voix se font entendre, à mesure qu’un petit point blanc se révèle être la navette Explorer, arrimée au télescope Hubble. S’en suit un long plan-séquence de 17 minutes qui avait fait parler de lui depuis longtemps, mais qui confirme la maestria de la mise en scène de Cuarón. Puis les ennuis arrivent pour l’équipage d’Explorer et c’est le début d’un film qu’il serait bien trop réducteur de traiter de film catastrophe.
Car bien sûr, l’histoire, assez simple au demeurant, à des airs de film catastrophe. Mais ça va au-delà, grâce notamment à Sandra Bullock qui porte le film sur ses frêles épaules, et qui prouve qu’elle est bien la grande actrice qu’Hollywood a su discerner en elle en lui attribuant un Oscar pour « The Blind Side » en 2010. On vit avec elle, on survit à travers elle, aidés en cela une nouvelle fois par la réalisation d’Alfonso Cuarón qui nous installe dans le casque de la scientifique Ryan Stone. Tout passe par elle, et la réussite est totale. La scientifique a connu des drames dans sa vie, mais elle va devoir repousser ses limites pour surmonter l’épreuve qui s’impose à elle.
En cela, « Gravity » est un film sur la résilience, sur la capacité de l’être humain à encaisser pour mieux rebondir, sur l’abandon et le repli sur soi, la volonté de survivre, sur la naissance et la renaissance (à travers notamment un plan foetal que certains trouveront sans doute un peu trop appuyé mais que je trouve personnellement absolument sublime).
Sur un ton réaliste (volonté affichée dès le début du film à travers deux phrases insistant sur la non-propagation du son et les températures extrêmes dans l’espace), ligne directrice de laquelle Cuarón ne déviera pas tout au long du film (d’ailleurs adoubé par Jean-François Clervoy, astronaute français), c’est une expérience filmique et sensorielle à laquelle le réalisateur nous convie. Dosant parfaitement scènes d’action à la tension permanente (jamais l’espace n’a paru aussi hostile et l’homme qui s’y aventure aussi fragile) et scène plus contemplatives (à la beauté renversante : clair de terre, aurores boréales, etc…), « Gravity » captive le spectateur par l’entremise de l’énorme travail visuel et sonore (ce dernier aspect étant trop souvent laissé de côté de nos jours, comme je suis heureux de ne ressentir les impacts et autres explosions qu’à travers des vibrations feutrées !) effectuée par l’équipe du film, d’autant plus que la 3D se révèle enfin ici un ajout pertinent. La photographie n’est pas en reste, et la musique de Steven Price, loin du barouf symphonique habituel, joue plutôt sur les ambiances (elle a d’ailleurs un rôle prépondérant sur la tension du film), accompagne bien le long-métrage et sait se faire discrète, tout en haussant le ton quand il le faut.
Cela va sans dire, il faut voir ce film sur grand écran. Le plus grand possible, pour mieux se perdre dans l’immensité spatiale. Heureux les spectateurs qui pourront le voir sur écran IMAX…
Alors donc oui, je crois qu’on peut appeler ça un coup de coeur. Un gros même. Je n’ai sans doute pas assez de recul pour le moment, mais ça me semble bien être, et de très loin, le meilleur film de l’année. Mêlant perfection formelle, narration maîtrisée et thématiques discrètes mais riches, le tout dans un format resserré d’1h30 (la durée d’une révolution de la Station Spatiale Internationale autour de la Terre !), Alfonso Cuarón vient, après « Les fils de l’homme », de marquer une nouvelle étape majeure dans sa filmographie, et peut-être même dans le cinéma. Et de prouver par la même occasion qu’il plane tout seul, loin, très loin au dessus des autres, au firmament des réalisateurs.
Superbe critique !
Je suis impatient de le voir 😀
J’espère que ça te plaira !
Comme je suis d’accord avec ta conclusion ! J’écoute en boucle la bo sur Spotify, Steven Price a accompli un boulot extraordinaire… à la hauteur de ce film !
Figure-toi que moi aussi j’écoute cette BO ! Très bon travail en effet, aussi bien sur l’ambiance sonore de cette BO, notamment sur la première partie, que sur la partie musicale en tant que telle, dans la seconde partie.
Faut que j’aille le voir, faut juste arriver à trouver un créneau (je crois que ça sera pour après les Utos vu comme c’est parti xD)
Tant que tu peux le voir sur grand écran, c’est l’essentiel !
Pas encore vu alors je me réserve ta critique pour plus tard. J’ai juste vu « coup de coeur » vers la fin, j’espère que c’était pas ironique. ^^En tout cas, je croise mes petits doigts musclés par les claviers et les manettes parce que je l’attendais de pied ferme.
J’ai essayé de faire une chronique sans spoilers, je crois que je m’en suis pas trop mal sorti, mais je comprends, je fais pareil que toi !
Et mon coup de coeur n’est pas du tout ironique, c’est un vrai de vrai !
Merci à toi pour cette belle chronique ! Hélas, je n’aurai pas trop le temps d’aller le voir au cinéma, il faudra que je me rattrape avec un petit écran. On fait comme on peut ^^
Arf, c’est dommage, c’est vraiment un film à voir sur le plus grand écran possible… J’ai peur que l’immersion en prenne un coup sur un écran de salon… Mais comme tu le dis, on n’a pas toujours le choix ! J’espère que ça te plaira quand même. 😉
Guillaume, je rejoins tout à fait Lorhkan sur l’idée que ce serait vraiment dommage de le voir sur un petit écran pour l’immersion…
Je peux bricoler une séance sur un espèce de grand écran en empruntant une salle de cours à vidéoprojecteur lors de sa sortie en DVD mais je pourrai pas faire mieux hélas ^^
Mais tous les films de Cuarón sont des étapes majeures dans sa filmographie voyons! ;-p (c’est un de mes réalisateurs préférés, c’est pour ça) Ce film-ci, en tout cas, repose beaucoup plus sur ses épaules que sur celle des acteurs, il construit l’espace comme un personnage presque.
Pour le musique, je suis tout à fait d’accord jusqu’à la « fausse note » de la fin. Je sais que le dernier morceau plait mais j’aurais tellement préféré quelque chose de doux et d’aérien, presque lumineux, des petites notes perdues, discrètes, qui s’unissent doucement pour former un tout cohérent en apothéose. Là, ça faisait double emploi avec l’image, c’était de « trop », encore une fois un élément qui m’a rappelé que je regardais un film, en me faisant sortir de l’impression de le vivre.
Mais bon, c’est un détail, j’ai beaucoup aimé dans l’ensemble, comme tu le sais ^_^.
C’est vrai que le dernier morceau est sympa, et finalement est un peu l’apothéose de la montée en puissance musicale du film. Le début joue beaucoup sur des sons d’ambiance, quelque chose d’un peu abstrait qui joue beaucoup dans l’ambiance du film, le climat oppressant et le menace de l’espace.
Vers la fin, les mélodies se font plus fortes, la musique reprend un rôle plus « classique » pour finir par ce dernier morceau.
En réécoutant la BO, ça correspond assez bien à la symbolique du film finalement, mais je comprends que ça puisse paraître un peu « trop »…
Mais effectivement ça reste un détail, dans un océan de choses beaucoup plus positives !
Un film que je n’avais pas prévu du tout d’aller voir : trop de publicité, Sandra Bullock… Je ne m’y suis pas beaucoup intéressé. Du coup, mon cerveau l’avait déjà catalogué dans film catastrophe à deux balles. Mais tu t’imagines bien, en lisant cette critique élogieuse, j’ai regardé directement les horaires de ma salle de cinéma pour ce soir. Je reviendrais faire mon rapport. Belle chronique en tout cas (et ta tentative de « spoiler-free » semble réussie) !
Tu me fais plaisir !
Du coup, j’espère que le film ne te décevra pas… N’hésite pas à me dire ce que tu en auras pensé. J’espère ne pas avoir à me faire tout petit… 😀
Verdict : j’ai adoré évidemment. Le suspens est haletant, l’esthétique magnifique. J’ai rarement senti à ce point la menace de l’espace (et sa beauté fascinante à la fois). Il s’agit d’un film à suspens bien sûr mais qui ne se limite pas à cela. Il présente aussi une lecture philo/psy (avec les thèmes que tu as évoqués, naissance, renaissance…) avec beaucoup de poésie et d’intelligence. Je redécouvre Sandra Bullock (qui, faut bien le signaler à aussi une esthétique magnifique 😉 ).
Ouf, je n’aurai pas besoin d’aller me cacher…^^
Content de voir que cette merveille a fonctionné sur toi aussi. 😉
Vu, et approuvé. Un très bon moment, remarquable de maîtrise, à tous les niveaux.
Voilà qui est bien dit !
« Aningaaq « , le contre-champ de gravity. Sympathique court-métrage pour ceux qui ont vu le film (à voir sur Daily Motion par exemple) 😉
Un ajout en effet sympathique, réalisé par le fils du réalisateur, précision importante. 😉
bon, enfin vu je peux passer commenter !
J’ai bien aimé, comme tout le monde, même si je suis restée de marbre face aux personnages… La 3D bien, mais le travail de fou vient surtout pour l’apesanteur à mes yeux ! Tout ça me rappelle également qu’il faut que je récupère la BO maintenant… 🙂 Et j’avoue qu’en version IMAX (mieux, à la Géode ! *_*) ça aurait été juste un truc de folie…
Ah ça c’est sûr qu’en Imax, ça doit donner ! J’aurais vraiment aimé le voir dans ces conditions, malheureusement ce genre d’écrans, ça ne court pas les rues…
Bravo pour ce blog et tous mes voeux pour 2014 😉
Gravity est une expérience unique à vivre au moins une fois au cinéma, en 3D. Je suis par principe réfractaire à cette évolution technologique à base de lunettes qui vous rend instantanément ridicule (oui je suis « à l’ancienne », je reste même profondément attaché à l’odeur du papier, et le livre numérique n’est pas pour moi). Pourtant, j’en suis venu à faire la publicité de la 3D pour ce film, que j’ai même vu deux fois dans les mêmes conditions (même deux fois, le ridicule ne vous tue toujours pas).
– Attention Spoiler –
Au delà de la prouesse technologique qui rend le film particulièrement immersif, j’ai été fasciné par ce retour à la vie, cette renaissance symbolique du personnage interprété par Sandra Bullock (position foetale, gestation dans l’inconnu, puis accouchement/atterrissage dans la douleur). Cuàron confirme toput le bien que je pense de lui depuis Le prisonnier d’Azkhaban et Les fils de l’homme.
Le meilleur film de 2013, avec Django Unchained (le retour de Tarantino à un niveau digne de lui, c’est quand même quelque chose).
Merci beaucoup !
Aaaah, la 3D, cette technologie que les studios s’arrachent mais qui n’a réellement bénéficié qu’à bien peu de films (Avatar, Gravity, what else ?)… Je ne suis pas particulièrement réfractaire, c’est juste que ça ne sert pas à grand chose.
Sinon, Gravity est un grand film oui, le meilleur de 2013 avec Django, on a les mêmes avis ! 🙂
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