Only God Forgives, de Nicolas Winding Refn
Après un éblouissant « Drive » (film qu’avec un peu de recul je ne peux m’empêcher d’adorer), j’avais hâte de retrouver le cinéma de Nicolas Winding Refn. Même acteur principal (Ryan Gosling), même compositeur (Cliff Martinez), c’était pour moi la promesse non pas d’un « Drive » bis (il était évident que le réalisateur n’irait pas dans ce sens), mais d’une nouvelle expérience cinématographique. Plus dure fut la chute !
Car en effet ce film d’une heure trente bien tassée n’a malheureusement pas grand chose à raconter. Le réalisateur a tout de même gardé la recette de « Drive » (c’est peut être sa recette personnelle mais je ne connais pas assez sa filmographie pour me prononcer sur ce point), mais l’a appliquée à l’extrême, à un point tel que le film en devient vide. Donnant la totale priorité à la forme, à l’esthétique du film, le réalisateur a oublié deux choses essentielles, deux choses qui « font » le cinéma, qui « font » un film.
Tout d’abord, pas (ou peu…) d’histoire. On peut se demander si le scénario n’a pas été écrit sur un coin de table au restaurant, sur un ticket de métro plié en quatre. Un homme viole et et tue une fille de 16 ans. Le père de cette dernière, encouragé par un mystérieux policier, massacre le meurtrier. La mère du violeur arrive en Thaïlande pour récupérer le corps de son fils, et reproche à son autre fils de ne pas avoir vengé son défunt frère. Elle décide de s’en occuper elle-même, mais le policier « expéditif » ne se fera pas descendre facilement. Voilà, c’est à peu près tout, pas d’intrigues parallèles, et un scénario minimaliste qui dans tout autre film aurait pu être traité en une demie-heure, tendant vers une fin que l’on devine depuis le début…
L’autre gros manque du film : pas d’émotion. Aucune empathie envers les personnages, et la direction des acteurs est pour le moins… froide ! C’est bien simple : tous font la même tête du début à la fin !
Ces deux défauts étaient déjà présents dans « Drive », mais le scénario était tout de même un peu plus touffu, et surtout il y avait de l’émotion, portée par une histoire d’amour ici inexistante et par une actrice qui illuminait toute scène dans laquelle elle apparaissait (Carey Mulligan et son sourire…). Rien de cela ici, et les techniques cinématographiques de Refn (là aussi appliquées à l’extrême : bruits de pas amplifiés, ralentis nombreux, etc…) aussi réussies soient-elles, ne parviennent pas à insuffler ce petit truc qui fait l’étincelle. C’est à la vision de ce « Only God Forgives » que je m’aperçois que « Drive » était sur le fil du rasoir, mais Refn avait réussi à maintenir ce fragile équilibre qui en faisait un grand film. Ici, à trop vouloir faire un film ultra-esthétisant (ce qui est totalement réussi, soyons honnêtes, chaque plan est minutieusement pensé, l’ambiance est somptueuse, la photographie est à tomber, etc… Ce film est d’une beauté formelle époustouflante !), maniant de nombreux symboles parfois un peu lourdingues (mère/fille/femme, complexe d’Oedipe, etc…), j’ai eu l’impression de regarder un joli documentaire, avec ça et là quelques dialogues. Sauf que je n’étais pas venu voir un reportage de la BBC, mais un film…
Il est amusant de constater que ce film a été projeté au festival de Cannes, lieu dans lequel peut apparaître de manière flagrante la cassure entre la critique professionnelle et le grand public. Là ou le consensus avait été atteint avec « Drive », j’ai bien peur qu’il n’en soit pas de même ici… « Only God Forgives » est sans aucun doute un film à montrer dans toutes les écoles de cinéma, un beau film (au sens premier du terme), mais ça n’en fait pas un bon film pour autant. Dommage, j’en attendais tellement… Et moi qui avais l’intention de regarder « Valhalla Rising », autre film de Nicolas Winding Refn, je suis maintenant bien moins pressé…
Ouais, ben même combat. Je me faisais une joie d’aller le voir et j’ai bien vite déchanté. En effet, si en termes d’image, c’est somptueux, qu’est-ce que c’est chiant et vide !
Malheureusement oui.
Beau ne veut pas toujours dire bon…
Comme tu le dis en début de critique , tu ne connais pas assez la filmo de Refn pour te prononcer. Ce film est à l’opposé total du vide et du non sens car en effet Nicolas Winding Refn à toujours su donner des titres de films plutôt parlant et celui-ci ne manque pas à l’appel.Seul Dieu pardonne et certains en feront les frais.
Voici ce que j’en pense :
» Le film en lui même est d’une beauté déconcertante à l’images des autres pellicules que Nicolas Winding Refn nous avait déjà fait part. Ce film est une compilation de photographies criardes, angoissantes et parlantes. N.W.R décide dans ce long de mettre en scène la violence de la société qu’il dénonce; car selon lui le meilleur moyen pour qu’elle se stop est de forcer les gens à la voir ( une scène de torture rappellera notamment cette idée dans le film). Etant fasciné par la couleur rouge et de prime daltonien le directeur de ce chef d’oeuvre nous offre ici sa vision des soucis sociétal, tels qu’il les voit tels qu’il les ressent.
Pour cela il utilise son « chouchou », Monsieur Gosling, transformé pour l’occasion en homme objet. De prime abord d’une beauté transcendante, il va se révéler être le cœur du film sans décrocher plus de cinq phrases. Ce film sera pour son personnage un voyage initiatique, un homme en quête de réponses, en quête de recherche d’un Dieu; il croisera alors le chef de la police thaïlandaise incarné par Vithaya Pansringarm qui serait quant à lui le Dieu intransigeant qui s’autorise le droit de vie ou de mort des gens. Cet acteur qui incarne ce rôle de Dieu humain lui va à merveille! Mais ce ne sont pas les seuls, Kristin Scott Thomas et Yayaying Rhatha Phongam les deux seules femmes du long sont d’une présence rare dans leurs scènes. Respectivement la mère castratrice , femme fatale aux tendances quelque peu pédophiles/consanguines, et la prostituée, une barbie sans aucun défaut mais qui a du plomb dans la tête, hypnotisent la salle lors de leur présence autour de Ryan Gosling.
L’OST du film est elle aussi bien entendu à la hauteur des autres productions de N.W.R, c’est à dire d’une puissance telle qu’aucun discours n’est nécessaire pour comprendre les idées sous-jacentes à toutes les scènes!
Et je finirai enfin en ne déclarant pas : âme sensible s’abstenir ! Car oui le film est violent, oui il est dérangeant, mais cette violence est réfléchit et nécessite une réflexion personnelle sur sa présence et alors seulement elle prend toute son ampleur et sa portée dramatique. »
Enfin Drive n’est en rien un film résumant son réalisateur, ce drive n’est rien d’autre qu’un délire de soirée entre Kavinsky Refn et Gosling qui a vu le jour ! En regardant les autres films de Refn on se rendra compte que Only God Forgives est beaucoup plus dans ses habitudes que Drive.
Il est clair qu’il ne faut pas aborder Only God Forgives de la même manière que Drive où aucun travail intérieur est à faire où nous n’avons juste qu’à contempler le spectacle. Pour O.G.F il faut chercher un sens à toutes les scènes à tous les indices en songeant toujours aux mots du réalisateur, et là tout le film prend forme et devient un chef d’interprétation et d’analyse. Si tu trouves ce film vide que penses tu de Valhalla Rising dans ce cas qui sans aucune réflexion profonde et connaissance des cultes nordiste est un vide intersidéral ^^
Hé bien, que voilà un commentaire argumenté !
Alors, effectivement, je ne connais pas la filmo de Refn sur le bout des doigts. Mais j’ose espérer qu’on puisse apprécier un film sans avoir vu les précédents des réalisateurs, sans quoi on n’apprécierait pas grand chose. Je me doute bien que Refn ne fait pas grand cas de l’accessibilité de ses longs métrages, mais s’il faut se farcir sa filmographie intégrale pour prétendre tirer la substantifique moelle de « Only God forgives », il y a comme un problème…
Le titre du film est en effet assez transparent, bien trouvé il faut le dire, mais ce n’est pas un critère décisif pour juger de la qualité de l’oeuvre.
Ce qui m’a gêné, ce sont les acteurs, qui ne véhiculent aucune émotion. Les voir n’utiliser qu’une seule expression sur le visage tout au long du film fait penser à un défilé de statues ! Seule Kristin Scott Thomas tire son épingle du jeu en mère castratrice péroxydée.
Et le film est superbe esthétiquement, poussé à l’extrême sur ce point, mais sans doute un peu trop. J’ai eu le sentiment que le réalisateur se faisait plaisir certes, mais surtout qu’il « se regardait filmer » à travers ce film ultra poseur ! L’effet pour l’effet ça ne m’intéresse pas, je veux voir un film, pas une démonstration sans âme de la maestria technique du réalisateur !
Je ne doute pas que le film ait un contenu, mais malheureusement, pour moi (je précise car visiblement ce n’est pas ton avis, ce qui est tout à fait respectable), cet aspect de too-much esthétique a complètement étouffé le propos.
En bref, c’est beau mais c’est chiant. Pourtant, je n’ai rien contre les films assez « lents » et esthétiques, pour preuve « Drive », qui, quoi qu’on en dise, et même en étant un film de commande à la base, est bien plus profond, personnel et non dénué de réflexions que ce que tu dis. Dans un genre différent, j’ai également adoré « La ligne rouge » de Terrence Mallick, ainsi que bien d’autres long métrages.
Donc voilà, comme je l’ai dit dans l’article, j’ai trouvé que Refn a sorti là un film déséquilibré, et dont la prétention esthétique a malheureusement effacé à mes yeux toutes les autres qualités du film. Mais comme pour tant de choses, tout est affaire de sensibilité, et d’attentes… 😉
J’avais été surprise ce week-end en regardant les notations sur Allociné, par la note globale des spectateurs et la multitude de zero pointé ! Ton avis va dans ce sens on dirait, j’en sais un peu plus sur ce désenchantement du coup !
J’irais le voir pour me forger ma propre identité, je n’en attendais rien de particulier à l’origine mais maintenant, ça sera vraiment en mode « bah on verra bien! »… 🙂
Alors, depuis, tu as eu l’occasion de le voir ? Rien de mieux que se faire son propre avis ! 😉
J’ai bien apprécié le commentaire de Maextasia aussi du coup, mais pour moi, même la symbolique m’a paru grossière, comme si on cherchait à m’enfoncer des trucs super intellectuallo-hypra-profonds dans la tête à grands coups de maillet dans la tronche. Il y a comme un gros paradoxe tout du long.
Puis j’adore le titre « Only God Forgives », c’est classe, ça donne le ton, mais ça n’en cache pas moins un film poseur et fondamentalement chiant à regarder. Mais bon, comme tout, c’est une histoire de sensibilité et c’est connu, je suis un gros parpaing. ^^
Voilà, il y a de ça.
Ca ne me détourne pas du réalisateur ceci dit, je suis quand même curieux de voir certains de ses autres films…