Cloud Atlas, de Andy & Lana Wachowski et Tom Tikwer
Le voici enfin ce « Cloud Atlas », ou comment réussir le pari d’adapter à l’écran un roman inadaptable… Car le roman duquel provient le film, « Cartographie des nuages » de David Mitchell, est en effet d’une belle complexité, sur le fond comme sur la forme (Gromovar en parle très bien). Et pourtant, les Wachoswki (accompagnés de Tom Tikwer, déjà réalisateur de l’excellent « Cours, Lola, cours ») prouvent avec ce film qu’ils n’ont rien perdu de leur verve cinématographique, que certains pensaient un peu usurpée après les boursouflés épisodes 2 et 3 de la trilogie « Matrix ».
« Cloud Atlas » se permet ainsi de mettre à l’écran six histoires différentes, se passant à différentes époques (dans le passé, le présent et le futur, le tout étalé sur cinq siècles), toutes ces histoires étant plus ou moins liées entre elles. C’est là son vrai tour de force : à aucun moment le spectateur n’est perdu, le montage est suffisamment bien fait pour qu’on ne perde pas le fil de l’intrigue. Intrigue qui n’en est pas vraiment une d’ailleurs, puisqu’il ne s’agit pas de suivre une simple histoire. Il s’agit plutôt de réflexion sur la portée de nos actes, l’esprit de rébellion contre le système, le dépassement de soi (et des conventions), la réincarnation, la survie de l’âme, entre autres questions existentielles qui ont toujours taraudé l’humanité.
Les différentes histoires sont toutes réussies, ce qui n’était pas forcément gagné d’avance tant leur style est différent : on va de l’aventure maritime en 1849 à la futuriste rébellion d’un clone en 2144 en passant par un thriller politico-journalistique en 1973, une comédie à l’humour so british en 2012 ou bien une romance quasi-épistolaire en 1936. Belle performance qui prouve que les réalisateurs sont à l’aise dans tous les styles (j’avoue que je ne les attendais pas dans l’humour anglais, même s’ils sont grandement aidés par la prestation de Jim Broadbent). Jamais un récit ne prend le pas sur un autre, au gré de multiples passages des uns vers les autres (les séquences sont souvent courtes), pour finir par former un tout cohérent. Je ne me suis pas ennuyé une minute durant les 2h40 du film.
Saluons également le boulot des acteurs qui incarnent plusieurs personnages au fil des siècles, dans des rôles parfois surprenants (à ce propos, ne quittez pas la salle trop précipitamment, vous serez sans doute surpris). J’ai apprécié un Hugh Grant très à l’aise, un formidable Jim Broadbent dans des rôles parfois diamétralement opposés. Le casting est vraiment de qualité : en plus de ceux déjà cités, il faut y ajouter, entre autres, Tom Hanks, Halle Berry, Hugo Weaving, Jim Sturgess, Doona Bae ou bien encore Susan Sarandon. Ils sont parfois dissimulés sous des tonnes de maquillage pas forcément toujours au top, mais en revanche il n’y a pas grand chose à redire sur la photographie du film, subtilement différente à chaque époque mais toujours superbe. Visuellement, le film offre ainsi quelques beaux moments, que cela soit lié aux effets spéciaux comme le vision de Néo-Séoul lors des séquences futuristes (mais pouvait-il en être autrement des réalisateurs de « Matrix » ?) ou bien plus simplement à une superbe mise en scène. La musique n’est pas en reste, alternant morceaux relativement classiques avec de belles pièces plus symphoniques (notamment le sextuor Cloud Atlas bien sûr, qui revient à plusieurs reprises).
Une belle réussite donc, pour un film dont je ne m’explique toujours pas l’échec commercial. Enfin si, je sais pourquoi. On est loin du blockbuster ici, même s’il en a tous les atours. C’est un film finalement assez rare, par son ambition, sa narration, la densité de son propos, au fond relativement complexe (mais toujours accessible) qui a pu en effrayer plus d’un. Une expérience filmique, éloignée du tout-venant de l’industrie cinématographique. Un film fort, et plus que tout : très généreux. J’y ai senti que les réalisateurs ont voulu à travers lui montrer tout leur amour du cinéma. Ainsi, il mérite bien plus qu’un simple succès critique. Car avec « Cloud Atlas », les Wachowski prouvent qu’ils font plus que jamais partie de la cour des grands. Il serait bon que cela se sache.
Quant à moi, il m’aura plus que jamais donné envie de lire cette fameuse « Cartographie des nuages » de David Mitchell.
J’avoue que j’hésite devant le concept du film, même si les frangins Wachowski sont à la manivelle.
Cela doit être un film que l’on adore ou que l’on déteste…
C’est possible oui, sans doute car c’est un film assez déroutant. En tout cas, pas le genre de film que l’on voit couramment au cinéma ! Mais j’ai toujours cru à ce projet, et j’ai été très content du résultat.
Vu et adoré aussi ^^ (je publie mon avis mercredi si tout va bien).
Pour l’échec commercial, j’ai lu un article dans Libé comme quoi une copie du film avait circulé sur Internet avant même la sortie américaine, ça a sans doute joué.
Sinon pour m’être amusée à faire une revue de presse sur le sujet, les critiques sont pas hyper enthousiastes voir carrément odieux, ce qui m’étonne un peu. Bon certes il est pas parfait ce film, mais c’est quand même un très bon moment de cinéma.
Ah, oui, pour la copie pirate, c’est dommage, mais ce n’est pas la première fois que ça arrive je crois, et j’ai toujours du mal à penser que ça nuise réellement à un film…
Pour les critiques, je ne sais pas trop, j’avais plutôt vus des avis assez corrects, voire parfois emballés. Comme le dit Xapur au-dessus,avec ce film ça passe ou ça casse !
Tout ce que j’ai lu auparavant était très méchant sur le film. Visiblement, ça n’a intéressé pas grand monde parce que tu es le premier qui en parle sur les sites que je suis.
C’est marrant, comme je le dis à Vert au-dessus, j’avais plutôt vu des critiques bonnes voire très bonnes. Par exemple, sur SensCritique, la moyenne est de 7.1 (sur près de 1900 votes).
En tout cas, sans prétendre détenir la vérité absolue, je pense que c’est un film qui mérite d’être vu, rien que pour son ambition et la prise de risques qu’il représente, et encourager ce genre de cinéma. Après, on aime ou pas, c’est une autre histoire…
Bonsoir et merci pour cette chronique alléchante, ça me donne envie d’aller le voir (et de lire le livre un de ces 4) ! J’avais lu des critiques négatives qui m’avaient découragé, comme quoi la fin n’était pas compréhensible…
A bientôt (je découvre ton blog)
Jérémie
Merci pour ton commentaire !
Je pousse à aller voir ce film, il le mérite, au moins pour soutenir un cinéma différent du tout-formaté qu’on nous sert à longueur de temps ! 😉 Après, les goûts et les couleurs…^^
Bonne découverte du blog ! 😉
J’ai aimé ce film, mais je n’ai pas été emportée. Surtout à cause des grimages de certains acteurs dont je ne voyais plus que les prothèses, sans arriver à voir un personnage naître derrière.
Pour l’échec commercial, même si « Cloud Atlas » n’est pas un blockbuster à la « Transformers » (et heureusement ^_^), ce n’est pas non plus un film difficile à suivre et il utilise toutes les recettes habituelles des genres mis en avant, je ne sais pas si l’explication est à chercher de ce côté-là. Je pencherai pour une combinaison des déceptions successives des différents réalisateurs impliqués dans l’histoire qui ont peut-être refroidi le public (je dois dire que je ne suis même pas allé voir « Speed Racer » des Wachowski alors que je fais partie des derniers fans hardcore du premier « Matrix » et si je suis allée voir ce film-ci, c’est uniquement par curiosité pour l’histoire, les réalisateurs m’auraient fait hésiter sans cela) et, comme le disait Vert, de la possibilité de voir ce film « autrement ». Si j’avais voulu, j’aurais pu voir « Cloud Atlas » en octobre (ou novembre, je ne sais plus), j’ai attendu parce que je voulais le voir au cinéma, mais il était très (très) facile de mettre la main dessus. Comme, justement, il n’a pas bénéficié des moyens de promotion des blockbusters (il faut avouer que, de notre côté de la planète en tout cas, ça a été assez soft comme campagne publicitaire), ceux qui ont voulu tester avant d’éventuellement le voir sur grand écran ont pu le faire à loisir…
PS: C’est quoi ce truc qui arrive après la fin et pour lequel il faut rester? Je suis restée jusqu’aux crédits musicaux, je n’ai rien vu, j’ai loupé une scène supplémentaire? :°-(
J’avoue que je n’ai pas vu passer ce film sur les réseaux « alternatifs », sans doute car je n’attendais qu’une chose : le voir au cinéma. Mais c’est quand même bien dommage de voir un film pareil être un échec alors qu’avec de jolis moyens, que l’on qualifiera d’attractifs pour le grand public, et un fond tout à fait compréhensible, il avait tout pour faire date.
Il fera date quand même, mais seulement pour certains « initiés », c’est bien dommage…
PS : pour le truc de la fin, c’est le moment où on voit tous les rôles joués par chacun des acteurs. Comme je ne les avait pas tous reconnus, j’ai été surpris plus d’une fois !
J’ai adoré ce film. J’en publie ma critique probablement dans la semaine si j’arrive à la finir.
Effectivement, je peux comprendre l’echec commercial quand on voit que des films comme Avengers font des succès mondiaux. Le public, semble-t-il, n’attend pas d’un film qu’il lui permette de réfléchir.
L’un n’empêche pas l’autre, d’ailleurs j’ai bien aimé aussi « Avengers », dans un tout autre genre évidemment. « Avengers », c’est un peu un rêve de gosse, tous ces super-héros réunis (si on aime les super-héros, évidemment…).
Par contre, tout récemment, « La chute de la Maison Blanche » ou « G.I. Joe »…
J’ai beaucoup aimé. Pas au point d’en faire un coup de cœur mais tout de même. C’est un film à voir et à revoir pour tout saisir je pense. Je pourrais envisager un achat blue-ray 😀
C’est tout à fait le genre de film qui gagne à être revu, c’est vrai.
ta critique est impeccable, c’est bien dans le coup je n’ai plus à culpabilisé de ne pas avoir eu le temps de faire la mienne, j’ai qu’à te linker lol
je pense quand même que cloud atlas était trop ambitieux pour plaire au grand public, pas tant dans sa forme que dans son fond, ce qui fait qu’il reste confidentiel. Et puis, à l’inverse des films des super héros ce n’est pas « familial », donc plus difficile aussi sans doute de faire sortir les gens.
M’enfin il vaut mieux un petit succès de vrai fans qu’un grand succès commercial… Dans ce genre de cas le bouche à oreille et les fans permettent au film de durer vraiment. Moi il m’a assez plus pour le mettre dans mes films préférés, même s’il y a un « quelque chose » manquant.
Merci ! 😉
Je suis tout à fait d’accord avec toi sur l’ambition du film qui peut « perdre » le grand public. En même temps, c’est bien dommage de constater que ce fameux grand public n’est attiré que par des trucs parfois un peu légers sur le fond (ceci dit, je suis aussi client des films de super héros, surtout quand c’est plus profond qu’il n’y parait : Batman, X-Men, etc…).
Pour le bouche à oreille, j’espère qu’il va bien fonctionner, pour la sortie DVD/VOD, mais aussi pour plus tard. Qui sait, il deviendra peut être un film culte ?^^