American gods, de Neil Gaiman
S’il y avait bien un auteur star aux Utopiales 2012, c’était Neil Gaiman. Et même si j’en ai bien sûr profité pour me procurer deux de ses romans et les faire dédicacer, j’étais assez extérieur à ce phénomène, n’ayant qu’un seul roman de lui, « L’étrange vie de Nobody Owens », sympathique roman jeunesse mais qui ne m’a pas fait grand effet, étant peu adepte de la littérature jeunesse. Jusqu’à ce que je lise ce « American Gods »…
Quatrième de couverture :
Dans le vol qui l’emmène à l’enterrement de sa femme tant aimée, Ombre rencontre Voyageur, un intrigant personnage. Dieu antique, comme le suggèrent ses énigmes, fou, ou bien simple arnaqueur ? Et en quoi consiste réellement le travail qu’il lui propose ? En acceptant finalement d’entrer à son service, Ombre va se retrouver plongé au sein d’un conflit qui le dépasse : celui qui oppose héros mythologiques de l’ancien monde et nouvelles idoles profanes de l’Amérique. Mais comment savoir qui tire réellement les ficelles : ces entités légendaires saxonnes issues de l’aube des temps, ou les puissances du consumérisme et de la technologie ? A moins que ce ne soit ce mystérieux M. Monde…
Le choc des titans
Roman connu et reconnu du célèbre auteur anglais, « American Gods » en impose à plus d’un titre. D’abord par cette hideuse couverture sortie d’on ne sait où, et qui fait plus fuir qu’autre chose… Ensuite, et cette fois c’est nettement plus engageant, par le nombre de prix qu’il a remporté, ce que l’éditeur ne manque pas de mettre en avant sur la quatrième de couverture : prix Hugo, prix Nebula, prix Locus, prix Bram Stoker, prix Bob Morane, tout cela en 2002. Bref, la profession semble unanime. Mais on le sait, cette reconnaissance professionnelle n’est pas forcément gage de réussite publique. Sauf qu’ici, tuons le suspense tout de suite, c’est le cas. Et c’est d’ailleurs très amplement mérité !
Et pourtant, malgré mon grand enthousiasme à la lecture de ce roman, j’ai bien du mal à en écrire la critique. Car il y a énormément de choses à dire, mais ce sont de « petites » choses, le roman étant truffé de petits instants de grâce. Il se présente en effet comme une sorte de road-movie se déroulant dans l’Amérique profonde, offrant ainsi au lecteur une galerie de personnages divins (au propre comme au figuré), avec ces rencontres savoureuses, ces instants qui n’ont l’air de rien mais qui forment un tout cohérent, parfois cynique (notamment à travers le personnage de Voyageur), parfois attendrissant et apaisant (le passage dans le village de Lakeside).
Il y a bien une intrigue, mais ce n’est pas vraiment elle qui fait la force du roman. Une fois que l’on a compris que tout le roman tend vers un affrontement entre anciens dieux apportés par leurs croyants en Amérique (dieux scandinaves, celtiques, égyptiens, slaves, voire même divinités préhistoriques, leur arrivée étant racontée via des intermèdes diversifiant le récit, sortes de nouvelles au sein du roman, parfois poignantes comme ce récit sur l’esclavage) et nouveaux dieux issue de la société moderne (médias, argent, etc…), illustration du changement de paradigme que subissent les Etats-Unis, ce melting-pot de multiples cultures tendant à s’uniformiser sous l’égide d’une nouvelle société moderne, on se laisse en effet porter au gré du courant, un peu comme le personnage d’Ombre qui prend tout ce qui lui arrive avec un flegme assez renversant (vous pouvez reprendre votre souffle après cette phrase extraordinairement trop longue !^^).
Car bien plus que l’intrigue elle-même (soyons clair : elle est assez simple, mais réserve tout de même son lot de belles surprises, notamment sur la fin), l’une des forces du roman, ce sont ses personnages. On s’amuse à essayer de retrouver leur véritable identité divine, alors qu’à cause d’un déficit de foi ils sont devenus finalement parfois assez misérables. On se rend alors compte que Neil Gaiman s’est beaucoup documenté sur de nombreuses mythologies, et pas forcément les plus connues (ne vous attendez pas à retrouver Zeus et consorts…). Et croyez-moi, les références sont extrêmement nombreuses, beaucoup plus qu’on l’imagine, à moins d’être un spécialiste des mythologies du monde entier ! On comprend alors mieux la référence à Roger Zelazny laissée par l’auteur au début du roman, celui-ci ayant réutilisé les mythes plus qu’à son tour. Les personnages, mais aussi de nombreuses situations sont issues de scènes mythologiques, retravaillées à la sauce Gaiman.
Roman très référencé donc (et qui bénéficiera certainement d’une ou plusieurs relectures tant les références sont nombreuses et parfois bien dissimulées), mais à aucun moment prétentieux. Sans doute grâce à une très belle écriture, très bien rendue (magnifiée ?) par la superbe traduction de Michel Pagel. C’est donc peu de dire que je suis tombé sous le charme de ce roman, qui ne sera bien évidemment pas le dernier que je lirai du romancier britannique. Ne vous fiez donc pas à cette repoussante couverture, et jetez-vous sur ce roman qui prend le temps de se dévoiler tranquillement (le rythme n’est vraiment pas effréné), mais qui vous offrira à coup sûr un divin voyage au coeur de l’Amérique.
Lecture commune avec le Cercle d’Atuan : Vert et Julien.
Chronique réalisée dans le cadre du challenge « Les chefs d’œuvre de la SFFF » de Snow.
Bonne nouvelle pour toi si tu as apprécié les personnages, tu pourras retrouver Ombre dans une des histoires de « Fragile Things » (« Des choses fragiles » en français?).
Neil Gaiman est un de mes auteurs préférés, je ne serai donc pas objective en disant cela, mais ce livre m’a semblé plus intéressant qu’un « Seigneur de lumières » (puisque tu cites Zelazny) car au lieu de s’élever au niveau des dieux pour rendre un monde « étrange », il nous permet de nous mettre à leur place pour rendre ces dieux « compréhensibles », attachants même parfois. C’est un choix, ça dépend de la dimension que l’on veut donner au récit, mais je préfère cette optique, les dieux m’ennuient un peu en temps normal…
Et si ça peut te rassurer (ou pas ^_^), j’ai trouva « L’étrange vie de Nobody Owens » sympathique mais sans plus. Par contre, « Neverwhere » (ah, « Neverwhere »)… Ce livre est moins complexe ou travaillé qu' »American Gods », mais il m’a encore plus touchée. Je ne peux donc que te le conseiller!
PS: je viens de voir un de tes tweets sur le côté: moi non plus je n’arrive pas à télécharger la nouvelle du mois du Bélial exactement pour les mêmes raisons. Je pensais que c’était juste chez moi, mais du coup je vais aller signaler la chose sur le forum.
J’ai bien l’intention de me procurer les recueils de nouvelles de Gaiman (« Des choses fragiles » et « Miroirs et fumée »), je retrouverai donc Ombre avec plaisir !
Le parallèle Zelazny/Gaiman se fait surtout sur la réutilisation voire même la réappropriation des mythologies comme cadre d’un roman. Mais comme tu le soulignes, ils n’en font pas la même chose. Gaiman est plus intimiste, Zelazny plus épique. Les deux sont d’excellente qualité, mais j’avoue beaucoup aimé les mythologies et par extension les récits mettant en scène des divinités (d’où mon attrait pour Zelazny).
« Neverwhere » sera ma prochaine lecture de Neil Gaiman. Avec « American gods », ce sont mes deux achats gaimanesques des Utopiales.^^
Merci pour ton intervention sur le forum du Belial, j’en ai du coup profité pour m’y inscrire, et signaler le bug également. 😉
Malheureusement j’ai lâché, c’était très intéressant mais pas assez rythmé pour moi !
C’est sûr que ça va tranquillou (à la fin, ça s’énerve un peu quand même)… Mais quel beau voyage j’ai vécu !
Un bon bouquin, très bon, excellent même.
Anansi Boys est anecdotique par contre, même si plus amusant et dans la même veine.
Je lirai peut-être « Anansi boys », plus tard, quand j’aurai épuisé ses oeuvres majeures…
Ou tu peux le lire juste après American Gods, je viens de le faire, c’est encore plus drôle parce que si l’univers est sensiblement le même, le ton est complètement décalé. J’ai bien ri toute seule dans le métro 😀
Bref je suis ravie que ce roman t’ait plu en tout cas, et j’espère que d’autres Gaiman te plairont tout autant. (Sandman ?)
Je chroniquerai sans doute « Sandman », puisque le père Noël va me l’apporter… 😉
J’ai aussi « Neverwhere » sur ma PAL, et je compte m’acheter les recueils de nouvelles « Des choses fragiles » et « Miroirs et fumée ».
Pour le reste on verra, je ne suis pas très porté sur les livres jeunesse par exemple, et que je ne suis pas tout à fait sûr d’être dans le public cible de « Stardust » (mais je me trompe peut-être sur ce point…). Mais « De bons présages » avec Pratchett me tente bien aussi.
J’aime bien Stardust moi, ça a l’air assez simpliste en apparence (le côté conte de fées pour adultes), mais c’est truffé de petites références, et c’est à la fois assez drôle et un peu doux-amer. Toi qui cherchait de la fantasy en un tome, tu devrais y penser 😛
(et bon j’arrête là le prosélytisme Gaiman xD)
Tu es redoutable ! 😀
Ben je l’ai lu et à peine quelques souvenirs. C’est pas super bon signe 🙂 Ce n’était pas désagréable mais sans plus. Faudra que je retente peut-être.
Qui sait, la deuxième sera peut-être meilleure ? 😉
Un coup de coeur perso aussi. Un vrai plaisir de lecture. Tout le plaisir est dans la subtilité, le phrasé, les rencontres, les références, etc. On n’est plus dans une littérature d’aventure mais de rencontre. J’ai adoré!
Pas mieux !
Une superbe lecture !
Comme Lune, j’ai pas réussi à le finir. Certes il y a une belle écriture et une ambiance au coeur de l’Amérique, mais cela n’a pas suffit pour m’accrocher et j’ai abandonné au milieu du livre. Mais je tenterai Neverwhere.
Dommage !
En espérant que « Neverwhere » te satisfasse plus ! 😉
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