L’île des morts, de Roger Zelazny
Comme en témoigne les quelques chroniques déjà parues, Roger Zelazny est un auteur qui m’intéresse. Écrivain majeur de SF de la deuxième moitié du siècle dernier, les thématiques qu’il reprend fréquemment sont parmi celles qui, je ne sais trop pourquoi, me captivent : immortalité, divinités, mythologies. Voici donc une nouvelle lecture d’un auteur malheureusement un peu trop oublié de nos jours…
Quatrième de couverture :
XXXIIesiecle. Francis Sandow est le doyen de l’humanité, le seul homme en vie à avoir connu le XXe siècle.
Il est aussi l’une des cent plus grosses fortunes de la galaxie et l’un des vingt six Noms — l’avatar d’un dieu ancien, Shimbo de l’Arbre Noir.
Francis Sandow est un démiurge, un faiseur de mondes. Aujourd’hui, il vit sur Terre Libre, un des univers qu’il a créé. Mais sa retraite est troublée par un mystérieux inconnu, qui possède le pouvoir de ressusciter tous ceux que Sandow a connus au cours des siècles. Parmi lesquels Kathy, son premier et unique amour… rendez-vous est pris sur l’île des morts, ce lieu que Sandow a façonné jadis et qui échappe désormais à son contrôle…
Court et direct
192 pages. C’est la taille de ce roman.Et comme chacun sait, la taille importe peu (hum…), et ce roman en est la preuve éclatante, car ces 192 pages vont droit à l’essentiel, sans fioritures, pour en faire au final un excellent récit, utilisant une nouvelle fois avec talent quelques uns de ses thèmes favoris comme la divinité ou la mythologie.
Francis Sandow est un faiseur de mondes. Il a adhéré à la religion du strantrisme, et est devenu le premier humain ordonné grand prêtre de cette religion (après un apprentissage d’une cinquantaine d’années) et Porteur d’un Nom. A ce titre, il bénéficie d’un lien tout particulier avec l’un des nombreux dieux de cette religion, Shimbo de l’Arbre Mort. Et a obtenu la possibilité de créer des mondes, ce qui lui a rapporté beaucoup d’argent puisqu’il est également l’un des hommes les plus riches de la galaxie.
On le voit, Francis Sandow est un quasi-dieu. Capable de créer des mondes entiers, il possède un incommensurable pouvoir. Pourtant, il reste avant tout un homme, avec ses préoccupations très humaines. Il est riche, très riche, il s’est donc fait des ennemis. Et pour se protéger, il s’est retranché sur un monde qu’il s’est créé lui-même, avec des serviteurs dévoués (en tout cas tant qu’il les paie suffisamment). Jusqu’au jour où il va devoir sortir de sa retraite dorée lorsque qu’un ennemi inconnu lui envoie des photos de proches aujourd’hui disparus…
Avec une certaine économie de moyens, Roger Zelazny parvient à faire naître des images vertigineuses dans l’esprit du lecteur. Economie de moyens car l’auteur ne décrit qu’assez peu son univers, par petites touches, quelques petites digressions ici ou là dans les pensées de Francis Sandow. De même pour la cosmogonie du strantrisme, très importante dans le roman et pourtant à peine effleurée. Pourtant cela fonctionne très bien, ma curiosité a été piquée au vif, et mon imagination a fait le reste. Cela vaut aussi pour le personnage de Francis Sandow. On en sait finalement assez peu sur lui, sur son passé pourtant visiblement riche et tumultueux, mais là encore ça fonctionne, car Zelazny indique juste ce qu’il faut pour faire nous faire voyager. Là où cela avait pu me gêner un peu dans « Le maître des ombres », ce n’est absolument pas le cas ici. Mais que l’éventuel lecteur sache tout de même que s’il est absolument à la recherche d’un monde riche, détaillé, fouillé, autant qu’il passe son chemin tout de suite, car il ne trouvera pas son bonheur ici.
Une autre des grandes réussites de ce roman est le style de Zelazny. Extrêmement fluide, il est bien difficile de lâcher le récit et de ne pas le lire d’une traite. Qu’il est agréable de lire un roman qui, tout en suivant une trame assez simple, se permet de faire voyager le lecteur aussi loin !
Roger Zelazny a donc encore réussi son coup. Et je regrette encore plus maintenant de voir que cet auteur semble être oublié en France. Quelqu’un finira-t’il par nous faire une belle intégrale de l’auteur ? Au moins de ses nouvelles (il me semble que l’éditeur « Lunes d’Encre » en avait parlé à une époque)… Et il serait bon également de rééditer certains de ses romans (en dehors du célèbre cycle des « Princes d’Ambre ») qui commencent à être difficiles à trouver de nos jours (y compris celui-ci). En tout cas, je compte bien me diriger très prochainement vers la suite de ce roman, « Le sérum de la déesse bleue », qui lui aussi fait dans le format court (même taille que « L’île des morts »).
Chronique écrite dans le cadre du challenge « Summer Star Wars, épisode VI » de Lhisbei.
Une petite merveille, je te conseille Seigneurs de lumière dans la même veine mais un peu plus dense.
http://efelle.canalblog.com/archives/2009/03/26/13151359.html
C’est prévu, j’ai le recueil « Lunes d’encre » sur mon étagère. 😉
Mmmm, ça sonne bon tout ça. Et en plus, je l’ai, je viens de l’acheter (enfin, il y a un mois et demi) ^_^. Si la vie n’est pas belle! Et je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi « Dilvish le damné » n’a pas marché, c’est un des meilleurs livres de fantasy que j’ai lu ces derniers temps…
Ah oui, quel excellent recueil ce « Dilvish le damné » ! C’est globalement tout Zelazny qui est un peu délaissé (hors Ambre encore une fois, cycle qui capitalise sur son nom propre plus que sur le nom de l’auteur), ce que je trouve bien dommage étant donné que j’ai toujours trouvé de l’intérêt dans ce que j’ai lu de lui…
J’espère que tu apprécieras « L’île des morts », et puis ça ne devrait pas te prendre plus d’une matinée, connaissant ton rythme de lecture ! 😀
J’ai toujours eu un faible pour ce roman à cause des illustrations/couv réalisées par Moebius pour Opta. À remarquer que la base du roman – de la novella ? est utilisé par ce même Moebius pour le Garage Hermétique: le Major Grubert crée son propre monde (qui se rebelle contre lui).
Je viens de voir la couverture de Moebius sur le volume OPTA/Galaxie-bis (http://www.noosfere.com/icarus/livres/niourf.asp?numlivre=-658386280).
Elle est sympa mais je ne suis pas sûr qu’elle représente bien le roman… 😀
C’est vrai que le pitch du « Garage hérmétique » de Moebius fait sérieusement à ce roman de Zelazny. Mais je ne l’ai pas lu, et apparemment, il a quand même bien développé tout ça pour en faire une oeuvre bien à lui (http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Garage_hermétique).
Je ne dis pas qu’il a tout repompé 🙂 C’est juste le concept de départ – fascinant et pas tellement utilisé d’ailleurs.
De toutes façons, tout le monde s’inspire de tout le monde, alors ça ne m’aurait pas choqué plus que cela. Et il ne s’agit, comme tu le dis, que de la situation de départ, le reste c’est du Moebius !
çà donne sacrément envie de le découvrir !
Zelazny c’est du bon, vas-y ! 😉
Voilà un auteur que je connais mal. Il faut dire que ma première approche des famueux Princes d’Ambre n’a pas été concluante et que donc, je n’ai pas renouvelé.
J’ai justement envie de me garder le cycle d’Ambre pour plus tard. J’ai envie de découvrir Zelazny avec ses autres oeuvres (comme j’ai envie de le faire avec G.R.R. Martin d’ailleurs, même si j’ai déjà entamé « Le trône de fer »), et pour l’instant je ne suis pas déçu !
Si ça peut te rassurer, les Princes d’Ambres, j’ai arrêté après le deuxième tome…
J’aime beaucoup le concept d’Ambre, on verra bien quand je m’y mettrai…
« Mais que l’éventuel lecteur sache tout de même que s’il est absolument à la recherche d’un monde riche, détaillé, fouillé, autant qu’il passe son chemin tout de suite, car il ne trouvera pas son bonheur ici. » Cet aspect me retient un peu, mais je garde l’oeil ouvert, au cas où…
Je comprends.
Moins de 200 pages, il ne faut pas perdre ça de vue.
Mais ça reste vraiment excellent. Et puis au pire, tu n’auras pas perdu beaucoup de temps ! 😉
Ambre vaut peut-être mieux la lire en VO, je crois que la trad. est d’une platitude terrible.
Ah ça, c’est possible, mais je ne suis pas suffisamment à l’aise avec la langue anglaise pour me lancer. Enfin ça pourrait se faire, mais si c’est pour passer un mois sur un bouquin en avançant à la vitesse d’un escargot, c’est pas la peine…
J’ai relu ce livre avec grand plaisir la semaine dernière 🙂
Il se lit très bien, et je pense qu’il supporte tout aussi bien une relecture !
Juste un petit message en passant :
– Pour moi l’île des morts reste un des romans majeurs du maître, le sérum de la déesse bleu est d’un niveau un peu inférieur (mais cela peut se discuter). Je me rappelle pas vraiment de Dismal light pour pouvoir en donner un ressenti.
– Pour gromovar : cette observation est récurrente chez les lecteurs anglophone de Roger Zelazny : il semble que les VO soient à privilégier. Si un jour tu commences Ambre lis le en anglais. Ambre reste un de mes livres de chevets et au fil des relectures de la version française on s’aperçoit de divers soucis de traductions. Il faudra d’ailleurs que je remette la main sur une édition anglaise un jour.
Je vais bientôt lire « Le sérum de de la déesse bleue » et les avis sont largement en accord : c’est en dessous de « L’île des morts ». Mais c’est du Zelazny, ça ne peut pas être mauvais ! « Dismal light » en revanche ‘ »Lumière lugubre » en français) n’est parue que dans le livre d’or de Zelazny, et dans un numéro de « Galaxie ». Pas facile à trouver donc…
Et pour Ambre, je le lirai (hé oui, encore trou béant dans ma culture SF…), mais en français malgré tout ! 😉
De Zelazny je connais principalement Les princes d’Ambre, enfin de nom car je ne les ai pas lu. Mais L’iles des morts a l’air bien sympa aussi, si en plus c’est du Space Opera ou du Planet Opera … je dis ça par rapport au Challenge de Lhisbei.
Ca rentre effectivement dans le Summer Star Wars, mais ne t’attends pas à un space-op’ classique avec vaisseaux combats et tout le toutim…