Léviathan, la nuit, de Lionel Davoust

Posted on 18 juin 2012

Après trois articles sans chroniques, il est temps de revenir aux fondamentaux. Place donc à la chronique de « Léviathan, la nuit » de Lionel Davoust, suite de la trilogie initiée par « Léviathan, la chute ». Plus d’un mois après ma lecture, que reste-t-il de ce roman ? Confirmation des bonnes dispositions apparues dans le premier volume ? Ou bien trilogie qui commence déjà à s’essouffler ?

 

Quatrième de couverture :

La nuit du solstice d’hiver, au cours d’une violente tempête, le biologiste marin Michael Petersen a basculé de son zodiac et disparu dans les eaux glacées de l’Antarctique. Alors que ses chances de survie sont infimes, le miracle se produit : le corps du chercheur, plongé dans un profond coma, est découvert échoué sur une grève. Non loin du rivage, une troupe d’orques paraît veiller sur le miraculé. Le verdict des médecins est aussi troublant qu’énigmatique : Petersen est en train de rêver.

Ces faits inexplicables ne le sont pourtant pas pour tous : le Comité, une organisation occulte dont les agents exercent depuis des années une étroite surveillance de l’innocent zoologiste, met tout en œuvre pour le réinstaller dans la tranquillité de son foyer. Pourquoi un modeste père de famille suscite-t-il une telle crainte chez les puissants mages de la Voie de la Main Gauche ? Quelle corrélation établir entre les cauchemars de Michael et les tentatives d’homicide dont sont subitement victimes les membres de son entourage ?

Masha, épouse de Michael et agent double au service du Comité, est bien décidée à le découvrir. Mais le FBI s’invite dans le Jeu en la personne d’Andrew Leon, un mathématicien que le paranormal n’effraie pas. En effet, alors que tout désigne le biologiste, à la personnalité fragile et clivée, comme l’auteur de ces crimes en série, l’agent spécial entrevoit une autre hypothèse, capable de faire vaciller un esprit aussi solide que le sien.

Après le solstice viennent les ténèbres, après la chute tombe la nuit, et Los Angeles frémit tandis que s’étend l’Ombre de Léviathan.

 

Main Droite ou Main Gauche, le changement c’est maintenant !

Hé oui, car en effet du changement il y en a dans ce roman par rapport au premier volume ! Car maintenant que les bases ont été installées, l’action peut franchement se débrider. Oubliée la mise en place un peu lente (mais nécessaire) de « Léviathan, la chute », on est maintenant dans le vif du sujet.

Après les évènements du premier tome, chacun essaie maintenant de tirer son épingle du jeu, encore faut-il connaître les tenants et les aboutissants, ce qui est loin d’être le cas de tout le monde. Les mages de la Main Gauche tentent de contrôler la situation, alors que la femme de Michael essaie de recomposer le puzzle et l’énigme constituée par son mari et tente à tout prix de protéger sa famille, en dépit de tous les ordres reçus. Michael Petersen, quant à lui, est dans le coma, mais Lionel Davoust nous projette dans sa tête, dans sa conscience malmenée, mise à l’épreuve, torturée même. L’agent du FBI (administration contrôlée de longue date par la Main Droite) Andrew Leon, scientifique un peu décalé, alerté par ce qui semble de prime abord être une erreur de mesure d’un de ses boîtiers disséminés dans le monde entier et sensés générer des chiffres sur un mode totalement aléatoire, va s’intéresser de près à Michael Petersen et aux évènements survenus en Antarctique, tandis que le fameux Léviathan prend forme et devient bien plus qu’une sourde menace…

On le voit, l’intrigue s’épaissit, certains mystères s’éclaircissent tandis que d’autres apparaissent, les personnages prennent de l’épaisseur (ces personnages qui sont une des grandes réussites de l’auteur : crédibles, authentiques, forts et fragiles à la fois). L’apparition d’Andrew Leon est d’ailleurs une des excellentes surprises réservées par le roman. Cet agent du FBI, cartésien mais ouvert à l’inconnu, est un excellent personnage auquel s’identifier : à travers lui le lecteur, qui sait déjà que l’explication des évènements n’a rien de tout à fait « normale », tente de remettre les éléments dans l’ordre pour comprendre ce qui se passe réellement. Evidemment, rien ne se fera simplement, et c’est là que la richesse de l’écriture de l’auteur et son sens du rythme montrent toute leur efficacité.

L’auteur parvient en effet avec une grande habileté à faire se succéder scènes d’intimité, scènes d’action, scènes fantasmagorico-mystiques, scènes d’explications, scènes de frissons (je me souviendrai longtemps de cette scène glaçante avec la caméra de surveillance et cette silhouette sombre…). Tout y passe, et avec brio ! Avec ce deuxième volume de la trilogie, j’ai eu comme l’impression que Lionel Davoust a franchi un cap. Habituellement dans une trilogie, il est fréquent d’en mettre plein la vue dans le premier tome pour accrocher le lecteur, avant de terminer en apothéose dans le dernier volume, celui du milieu étant souvent qualifié de tome de « transition », ce qui peut parfois signifier que c’est le plus chiant des trois… Rien de cela ici : le premier volume prend son temps, fait monter doucement la pression, et franchit le rubicon dans sa conclusion. En cela, c’est un vrai tome introductif, l’élément fondateur sur lequel se base ce deuxième volume. Mais il ne s’agit pas ici de faire patienter le lecteur en attendant le feu d’artifice final, non non non, ici les ténèbres s’installent, les morts s’enchaînent sans que personne ne sache comment ni n’ait les compétences pour arrêter cette macabre série…

Je le disais plus haut, les personnages sont une véritable réussite. En plus de l’apparition marquante d’Andrew Leon, Michael Petersen et sa femme vont être confrontés à des évènements et des révélations qui vont les changer. Comment réagir lorsque l’on s’aperçoit que sa vie n’est pas ce qu’elle semble être ? Quand tout ce que l’on prenait pour acquis et tout ce (ou tous ceux…) au(x)quel(s) on croyait s’écroule autour de soi ? Michael, lui qui paraissait si naïf au début de cette histoire, va changer de costume, bien décidé à comprendre.

Roman sur le libre arbitre, les manipulations, avec en filigrane une réflexion sur les religions, trouvant un délicat équilibre entre fantastique et ancrage dans notre réalité, « Léviathan, la nuit » est une grande réussite. Surpassant le déjà très bon premier tome, sa conclusion laisse le lecteur pantois, témoin d’une puissance démesurée que rien ne semble pouvoir stopper, et impatient de découvrir le fin mot de l’histoire.

Les titres des romans sont d’ailleurs plus qu’un indice sur le déroulement de l’intrigue. Premier volume : « La chute », l’élément initiateur des terribles évènements qui vont suivre, deuxième volume : « La nuit », les ténèbres sont là, tout semble sur le point de s’écrouler, le troisième volume s’intitulant « Le pouvoir » laisse libre cours à notre imagination (mais si l’on applique à ces titres le raisonnement de la Main Gauche, il est possible d’y discerner bien des choses…). Il va falloir patienter jusqu’en 2013 pour avoir toutes les réponses. Gageons que si l’auteur parvient à mener sa barque jusqu’au bout (et je ne doute pas que ce soit le cas), cette trilogie marquera les esprits. Et Lionel Davoust fera encore parler de lui. Pour notre plus grand bonheur !

Lire également les critiques de Guillaume, Endea, Lelf, If is dead.

 

  
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