La Séparation, de Christopher Priest
Le Winter Time Travel saison 2 étant le prétexte idéal pour m’attaquer à cette uchronie, me voici donc projeté dans ce mélange de réalités, écrit par Christopher Priest, que certains qualifient de fils spirituel de Philip K. Dick. Et je ne peux pas dire le contraire…
Quatrième de couverture :
Que s’est-il réellement passé dans la nuit du 10 au 11 mai 1941, cette nuit où Rudolf Hess s’est envolé d’Allemagne pour négocier la paix avec la Grande-Bretagne ? Son avion a-t-il été abattu par la Luftwaffe ? Hess a-t-il réussi sa mission sans en informer Adolf Hitler ? C’est à toutes ces questions que tente de répondre l’historien Stuart Gratton. Il va notamment s’intéresser au destin exceptionnel de deux frères jumeaux, Joe et Jack Sawyer, qui ont rencontré Hess en 1936 aux jeux Olympiques de Berlin.
Priest, un Dick moderne ?
Tout commence avec l’historien Stuart Gratton qui, voyant une étrange référence à un certain Sawyer durant la seconde guerre mondiale (à la fois pilote dans la Royal Air Force et objecteur de conscience), décide de mener l’enquête. Les documents qu’il obtient lui montrent que la vérité est plus complexe que ce a quoi il s’attendait : il existe en fait deux Sawyer, Joe et Jack, des jumeaux.
Et tout part de là, des vies divergentes menées par ces jumeaux, à partir des Jeux Olympiques de 1936 à Berlin, durant lesquels Jack rencontrera le dauphin du Führer, Rudolph Hess, tandis que Joe, conscient des troubles politiques d’alors, tentera de faire sortir d’Allemagne une jeune fille, amie de leur famille. La voici, la séparation.
Mais tout n’est pas si simple, et Christopher Priest, avec il faut bien le dire beaucoup de talent, nous conte alors la vie des deux jumeaux. Réalités alternatives qui s’entrecroisent, uchronie dont le point de divergence n’est pas clairement défini, rêve onirique d’une possible réalité, l’intrigue se tisse de fort belle manière, sans jamais laisser le lecteur sur le bord de la route, malgré le flou apparent. Christopher Priest mène le lecteur en bateau, en mettant l’accent sur la gémellité des protagonistes (et sur le fait que leurs initiales soient les mêmes : J.L. Sawyer). Leurs vies se croisent, l’un prend la place de l’autre, sans que l’on sache vraiment ou se situe la réalité, c’est vraiment brillant. Je ne m’étends pas plus sur l’intrigue volontairement, pour ne pas trop en dévoiler, sachez simplement que je n’en ai pas décroché un seul instant, c’est passionnant de bout en bout, notamment si vous aimez l’Histoire, les divergences possibles avec notre réalité étant particulièrement intéressantes.
Mais n’oublions pas de parler du style, qui n’est pas laissé pour compte, bien au contraire. Les scènes de guerre et les questionnements des jumeaux sur les affres de la guerre, leurs états d’âmes, la pertinence de continuer le combat ou non nous donnent de grand moment de littérature, quitte à parfois nous mettre mal à l’aise en nous posant les questions qui dérangent (car l’Histoire étant ce qu’elle est avec l’issue que nous connaissons à la guerre, nous trouvons normales les décisions prises à l’époque) : Churchill va-t-il trop loin en continuant la guerre à tout prix ? La paix avec l’Allemagne n’est-elle pas préférable, quitte à laisser les mains libres aux Allemands sur le front de l’est ? Que doit-on penser de ce Rudolph Hess qui semble venir chercher la paix auprès du Royaume-Uni, bluff ou réelle tentative avalisée par Hitler ? Autant de questions qui font de ce roman bien plus qu’un roman de SF.
Je le disais en introduction, Christopher Priest est souvent comparé à Philip K. Dick. Et même si ce roman n’est que ma première lecture du monsieur, il est bien difficile de ne pas être d’accord avec cette affirmation, le parallèle avec « Le Maître du Haut-Château » étant assez évident (uchronie mâtinée de réalité alternative). Mais là où la lenteur du récit associé à un style assez quelconque rendait le tout assez poussif et obscur (mais peut être qu’une relecture prochaine avec la nouvelle traduction de la collection « Nouveaux Millénaires » permettrait de le découvrir sous un nouveau jour), ici rien de tout cela ! Tiré vers le haut par un final vertigineux, ce roman est tout simplement un grand roman. Je l’ai déjà dit, mais c’est brillant, très brillant.
Chronique réalisée dans le cadre du challenge Winter Time Travel saison 2 de Lhisbei.
Lire également les chroniques de Guillaume, Efelle, Nébal, Le Pendu, A.C. de Haenne, Lune.
Je me souviens être resté à cogiter dans le train après l’avoir terminé celui là. Un excellent roman.
Nous sommes d’accord ! 😉
Rudolf Hess est le « nazi romantique » par excellence, une icône improbable au milieu de la meute du 3ème Reich. Certainement le nazi se prêtant le mieux à ce genre de fiction.
C’est vrai qu’il détonne un peu par rapport aux autres. Et il a gardé sa part de mystère suite à cette initiative non élucidée de paix avec le Royaume-Uni…
Lu l’an passé, pour la saison 1 du Winter Time, j’ai passé un bon moment de lecture.
ça y est lu !
Ouh tu as raison, c’est complètement Dickien, et j’ai adoré !
Maintenant je vais devoir en parler, et ça c’est une autre histoire… Un grand roman sur la dualité, le double, le deux… Ahlala !!
Yes, cool, content que tu aies apprécié ta lecture ! C’est vraiment un roman marquant !
D’accord avec vous. Un très bon Priest. D’ailleurs, quels sont vos préférés du bonhomme ? Je crois pour ma part tout de même préférer Le Prestige et Le Monde Inverti à celui-ci.
Je n’en ai justement lu que deux pour le moment : « La séparation » et « Le monde inverti », deux superbes lectures à chaque fois. J’ai bien l’intention d’approfondir un peu sur Priest, j’ai donc l’embarras du choix : « Le prestige », « Le glamour », « La fontaine pétrifiante », etc…
[…] aussi chez : Efelle, Lorhkan, Nébal, Cafard cosmique, Dragon Galactique, Le Pendu, A.C. de Haenne, Défi Winter Time […]
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