Julian, de Robert Charles Wilson

Posted on 31 octobre 2011

Voici LA grosse sortie de l’année 2011 pour les éditions Denoël Lunes d’encre. Un bon pavé de 600 pages qui présente bien (belle couverture, qui s’éloigne du style SF, pour plaire à un public plus large ?), deuxième lecture consécutive de Robert Charles Wilson, me concernant. Dans un style radicalement différent de « Mysterium », ce roman se base sur la vie de Julien l’apostat, un empereur romain à la vie tumultueuse, et transpose le tout au XXIIème siècle…

 

Quatrième de couverture :

Il s’appelle Julian Comstock, il est le neveu du président des Etats-Unis. Son père, le général Bryce Comstock, a été pendu pour trahison (on murmure qu’il était innocent de ce crime). Julian est né dans une Amérique à jamais privée de pétrole, une Amérique étendue à soixante Etats, tenue de main de maître par l’Eglise du Dominion. Un pays en ruine, exsangue, en guerre au Labrador contre les forces mitteleuropéennes. Un combat acharné pour exploiter les ultimes ressources naturelles nord-américaines. On le connaît désormais sous le nom de Julian l’agnostique ou (comme son oncle) de Julian le Conquérant. Ceci est l’histoire de ce qu’il a cru bon et juste, l’histoire de ses victoires et défaites, militaires et politiques. Fresque post-apocalyptique, western du XXIIe siècle, fulgurant hommage à l’oeuvre de Mark Twain, « Julian » est le plus atypique des romans de Robert Charles Wilson. Une réussite majeure et une critique sans concession des politiques environnementales actuelles.

 

Un XXIIème très XIXème

Robert Charles Wilson frappe là où on ne l’attendait pas forcément. Habitué d’une SF humaniste, centrée sur les personnages, mais toujours partant d’un postulat très science-fictionnesque, Wilson a su se forger une réputation flatteuse dans le petit monde de l’imaginaire. Avec « Julian », changement de décor. L’aspect SF reste présent, mais de manière très ténue. Le roman se situe en effet au XIIème siècle, après que les ressources naturelles de notre planète (pétrole, gaz, etc…) se soient taries. S’en est suivie une période trouble, hachée par des guerres, des famines, des pertes humaines innombrables conduisant à une drastique baisse de la population, et un recul technologique tel que ce XXIIème siècle ressemble fortement au XIXème. Voilà pour l’aspect SF. On n’est donc déjà plus vraiment dans la SF pure et dure, mais plutôt dans l’anticipation, genre déjà plus facilement assimilable par le grand public (mais je reviendrai sur ce point plus bas).

Ce monde nous est présenté à travers les yeux du narrateur, Adam Hazzard, ami d’enfance de Julian, le neveu du Président des États-Unis. Et là, il y a du bon et du moins bon. Le bon côté, c’est que le ton est léger, très facile à lire. Le fait qu’Adam soit issu d’une caste inférieure, et que les aventures contées dans le roman vont conduire les personnages  dans des situations et des lieux auxquels ils n’étaient pas destinés permet au lecteur de découvrir le monde en même temps que le narrateur. Le procédé est adroit, et permet de ne pas rendre le texte trop didactique, trop artificiel. Le ton est naturel, parfois même plutôt amusant. Le mauvais côté de la chose est qu’Adam est tout de même trop naïf, cela en devient un brin énervant. Je n’arrivais d’ailleurs pas à me faire à l’idée qu’Adam va sur ses vingt ans au début du roman. J’avais toujours en tête un enfant. L’effet s’est heureusement estompé dans le dernier tiers du roman, la narrateur devenant enfin plus adulte, façonné par les expériences vécues.

Le livre est constitué de cinq parties bien distinctes. Alors certes la trame générale du roman est assez facile à deviner, la quatrième de couverture est assez explicite sur ce point, et quand on sait que le nom de Julian n’a pas été donné au hasard (le personnage est une libre « adaptation » de la vie de Julien, l’empereur romain), cela n’en devient que plus clair. Mais l’essentiel n’est pas là. L’important n’est pas le but, mais le cheminement, n’est-ce pas ? 😉 Et il va s’en passer des choses. Malgré un début un peu lent (une certaine langueur qui se fait d’ailleurs sentir tout au long du roman), j’ai rapidement été accroché, et c’est sans aucun déplaisir que les pages se sont vues tournées les unes après les autres… Il faut dire que le monde proposé par Wilson a tout pour intéresser le lecteur : le lointain passé de l’époque du pétrole a sombré dans l’oubli, les États-Unis sont dirigés par un système féodal, et la religion est omniprésente à travers l’institution du Dominion, menaçant d’hérésie tous ceux qui s’intéressent d’un peu trop près au passé ou aux thèses scientifiques de l’époque : Darwin est oublié, l’homme n’a jamais marché sur le Lune, etc… Après Mysterium, Wilson a décidément une dent contre la religion…

Mais Julian n’entre pas dans le moule de ce monde. Neveu du Président Deklan Comstock, son père (donc le frère du Président) a été accusé de trahison par celui-ci, sa popularité devenant dangereusement gênante. Il ne suit pas les préceptes du Dominion, croit aux sciences oubliées, etc… Sa trajectoire fulgurante et tragique donne tout son sel au livre, on suit avec un réel intérêt ses victoires et ses échecs. Dommage que certains de ses actes ne soient qu’effleurés, et on aurait vraiment aimé en savoir plus sur les différentes institutions qui se sont créées sur les ruines de notre civilisation. Mais c’est habituel avec Wilson, le cadre n’est qu’un prétexte pour s’intéresser aux personnages. Julian et Adam occupent donc le devant de la scène, mais ils ne sont pas seul : Sam, Calyxa, ou bien Lymon Pugh (j’avoue avoir particulièrement apprécié ce dernier, présenté au départ comme une brute sans cervelle, il suivra une magnifique évolution, ami fidèle à la fois plein d’espoir et résigné), tous sont intéressants (à des degrés divers bien sûr).

Le fait que le XXIIème siècle de Wilson fasse furieusement penser à notre XIXème rend ce roman très facile à lire, le postulat SF passe totalement au second plan, et le récit aurait fort bien pu être un XIXème siècle uchronique. D’ailleurs la couverture (superbe au passage) ne montre rien de SF, ce roman est donc ouvertement destiné à un public profane en science-fiction. C’est à la fois sa force et sa faiblesse. Très accessible, il en devient même parfois un peu convenu. Ceux qui attendaient du nouveau Wilson un roman dans la même veine que les précédents en seront pour leurs frais. Mais soyons clair, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman d’Aventures et avec un A majuscule. Peut être manque-t-il d’un peu de profondeur… En effet où est la « critique sans concession des politiques environnementales actuelles » annoncée par la quatrième de couverture ? Dire : « regardez où ça nous mène », c’est un début, mais c’est un peu léger, non ?

Mais ne boudons pas notre plaisir, c’est un roman très agréable malgré quelques menus défauts (à mes yeux en tout cas), à tel point que j’avoue avoir une petite pointe de tristesse en arrivant au bout. Sans doute la preuve d’une œuvre réussie.

 

Chronique réalisée dans le cadre du challenge « Fins du monde » de Tigger Lilly.

 

Lecture commune organisée avec Guillaume et Efelle.

Voir également les chroniques de Viinz, la Maison Muette, BlackWolf, Fantastinet, Gwordia, Cyrille, Gromovar.

  
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