Les Monades Urbaines, de Robert Silverberg
Il est toujours difficile de critiquer une œuvre devenue classique, que dis-je, chef d’œuvre de la science-fiction. Car je n’ai la prétention ni d’en faire une étude approfondie, ni d’apporter un point de vue nouveau par rapport à la multitude de critiques déjà disponible sur Internet. Alors ce qui suit n’est que le point de vue d’un énième lecteur, un simple ressenti purement personnel.
Quatrième de couverture :
La planète Terre en l’an 2381 : la population humaine compte désormais plus de 75 milliards d’individus, entassés dans de gigantesques immeubles de plusieurs milliers d’étages. Dans ces monades, véritables villes verticales entièrement autosuffisantes, tout est recyclé, rien ne manque. Seule la nourriture vient de l’extérieur. Ainsi, l’humanité a trouvé le bonheur. Des bas étages surpeuplés et pauvres aux étages supérieurs réservés aux dirigeants, tous ne vivent que dans un but : croître et se multiplier. Plus de tabous, plus de vie privée, plus d’intimité. Chacun appartient à tout le monde. La jalousie et le manque n’existent plus. Contentez-vous d’être heureux. La monade travaille pour vous et maîtrise tout. Quand à ceux qui n’acceptent pas le système, les anomos, ils seront eux aussi recyclés. Pour le bien-être du plus grand nombre…
Une utopie devenue culte
Et plus qu’une utopie, c’est de dystopie dont il s’agit ici. Comme la plupart des dystopies, l’auteur nous expose un monde, ou plutôt un modèle de société qui semble idyllique. En effet, tout est mis en œuvre pour que les citoyens soient heureux : le problème de la surpopulation a été réglé, la liberté sexuelle est totale, la procréation est fortement encouragée, tous les moyens matériels nécessaires au bien-être sont disponibles, etc… Et au fur et à mesure de la lecture, le ver s’insinue dans la pomme. Que deviennent les contestataires ? Que connaissent les citoyens du monde extérieur ? Quid du désir d’évasion ?
Construit sur le principe des nouvelles entremêlées (7 chapitres en tout), dans lesquelles les personnages se croisent, chaque chapitre suivant un personnage en particulier, le roman se dévoile de fort belle manière. Le premier chapitre est d’ailleurs bien trouvé : un personnage est chargé de présenter les monades à un visiteur étranger (venant de Vénus, colonisée par les hommes). On y découvre leur principe de fonctionnement, les règles régissant cette société, et, déjà, certaines de ces failles. Au fur et à mesure que l’on avance, Robert Silverberg nous démontre à quel point une société en apparence idéale peut être finalement totalement liberticide pour ceux qui n’entrent pas dans le moule, et à quel point elle peut également « formater » ses citoyens, les rendant totalement hermétiques à toute autre culture (et le thème de la modification génétique induite par la société est plutôt intéressant)… Et bien sûr, le prix de cette société idéale est bien lourd : les personnes réfractaires, trop curieuses ou rebelles sont appelées « anomos », et doivent au mieux subir un lavage de cerveau pour être ensuite réinsérées, au pire être « recyclées » (je vous laisse découvrir ce qui se cache derrière ce terme).
Roman très froid dans l’écriture, « Les Monades Urbaines » laisse le lecteur maître de sa réflexion, sans que Silverberg ne lui force la main. On peut trouver surprenant cette apparente absence de jugement, j’ai trouvé cela très bien trouvé car le doute n’en devient que plus fort dans l’esprit du lecteur. En effet, on en vient à se dire que finalement, à la place des habitants des monades, on se serait sûrement laissé berner devant cette douce illusion du bonheur, et qu’il est important de rester vigilant sur le devenir de nos sociétés. Et l’impact du roman s’en trouve du même coup renforcé.
Alors oui, ce roman mérite bien son statut, de par ses thèmes de réflexion toujours d’actualité, les interrogations qu’il soulève dans l’esprit du lecteur sans lui prendre la main et son écriture particulièrement fluide malgré certains passages franchement datés comme le chapitre sur le joueur de vibrastar, particulièrement psychédélique, ou bien les nombreuses références au sexe, symboles de la libération sexuelle de l’époque de l’écriture du roman (1971).
Un roman glacial mais que je vous recommande chaudement !
Chronique réalisée dans le cadre du challenge du challenge « Les chefs d’œuvre de la SFFF » de Snow.
Un très grand livre.
Ça donne bien envie, en effet.
Il est là, il attend le bon moment, je finirai par le lire un jour, et tu m’as donné encore plus envie. ^_^
(HS: il doit y avoir un petit problème avec le flux RSS de ton blog, parce que c’est le deuxième article qui n’est pas signalé sur Google Reader, avec un troisième qui a été signalé un ou deux jours plus tard)(ou alors, c’est juste GR)(ce qui est aussi tout à fait possible)
Foncez, tous, vous ne le regretterez pas ! Je n’ai pas précisé que ce roman n’est pas « palpitant » (peu d’action), il est plutôt dans la présentation assez froide et détachée d’une possible société du futur.
Il ne faut donc pas s’attendre à un roman d’action, on est dans l’analyse et la réflexion ici !
Pour le flux RSS, effectivement il semble y avoir un souci, mais je ne sais pas d’où cela provient, car quand je tape l’adresse du flux dans le navigateur, tous les articles apparaissent. Mais sous Google Reader, cet article n’apparait pas, de même que la chronique des Mensonges de Locke Lamora… Si une âme charitable a une idée, qu’il le dise, parce qu’en plus les réglages de flux RSS sont très succincts sur un blog WordPress…
L’adresse du flux, au cas où… https://www.lorhkan.com/feed
Sinon sur Netvibes, dans le lecteur RSS de Mail (sur Mac), ou sur la page d’accueil de Google (!!) ça fonctionne sans problème…
Pas trop envie de migrer ailleurs (paresse, habitude, toussa ^_^), du coup je vais juste venir vérifier s’il y a du nouveau quand il n’y a plus d’articles depuis quelques jours, comme ce matin.
Je ne te demandais pas de changer tes habitudes, rassure-toi ! C’était simplement un constat qui montrait que globalement ça a l’air de fonctionner, sauf sur Google Reader, va comprendre pourquoi… 😉
Je vais noter dans un coin ta chronique et la lire plus tard, car je n’ai pas encore eu le temps d’attaquer ce bouquin !
D’accord avec toi pour quelques aspects un peu datés. Quant au reste, oui, c’est glaçant et l’écriture le reflète tout à fait.
Ouep, un bon roman, c’est clair. A l’époque j’avais quand même eu du mal à voir que Silverberg nous laissait seul juge. Tant pis, je le relirai plus tard, en attendant y’en a d’autres à voir.
Sinon complètement d’accord avec toi sur l’aspect glacial du bouquin.
jvois pas bien en quoi certains passages t’on parus dater, mais sinon oui je suis bien d’accord avec toi. C’est un chef d’oeuvre ce bouquin. (un jour j’écrirais ma chronique. un jour…)
Quand même, le chapitre 3 sur le joueur de vibrastar, si ce n’est un trip psychédélique/flower power/new wave/hippie, je ne sais pas ce que c’est ! C’est un passage intimement lié à l’époque de son écriture, et qui peut faire sourire voire ennuyer. Ça a été mon cas en tout cas. C’est l’exemple le plus frappant.
Mais rien qui au final ne nuise à l’ensemble du roman. 😉
Tout à fait d’accord sur la froideur de ce livre. On dirait une dissection post mortem… Néanmoins, on n’en décroche pas…
C’est sans doute la marque des grands ! 😉
Hello, je découvre ton blog, et hop ! je le rajoute dans ma liste.
Sinon, ce livre est effectivement un très bon souvenir de société futuriste « parfaite »…
Je l’ai fini hier. En fait j’ai compris comment ils régulent plus ou moins la population : ils deviennent quasiment tous anomos ! Arf…
Ce roman est top ! Pour une fois la froideur du livre ne m’a pas gênée, je l’ai trouvé très humain comme roman 🙂
On se rejoint de toutes façons : c’est une grande oeuvre ! 😉
[…] d’acier, Mars la Rouge, – Lalou : – Lorkan : Le Cycle d’Ender, tome 1, Stalker, Les Monades urbaines, – Mélisende : – Miss Spooky Muffin : American Gods – Myrddin : – Nanet : Fondation, tome 1, – […]
[…] aussi chez : Lorhkan, Génération SF, […]
[…] Robert Silverberg, Les monades urbainesRobert Laffont, Pavillons poche, 2016VO : The world inside, 1971Traduction : Michel RivelinCouverture : photographie de Roberto d’Este; design : Raphaëlle FaguerAutres avis : Feygirl a trouvé les nouvelles inégales et une trop forte complaisance dans les scènes sexuelles; vieillot dans le style mais des interrogations toujours actuelles, qui en font un bouquin à zyeuter, pour Le chien critique; un texte d’une incroyable modernité qui met en relief le lien étroit entre urbanisme et contrôle des individus, avec une remise en perspective du texte dans son époque, chez FeydRautha; roman giacial qui mérite son statut de classique de la SF, toujours d’actualité mais aussi de son temps, pour Lorkhan. […]